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La grande histoire naturelle de la colonne vertébrale Mise à jour: 6/09

Avertissement: Cet article est lui-même une colonne vertébrale: l'architecture d'un modèle où s'accrochent des assertations pas toujours démontrées dans l'état actuel de la science, mais pas infirmées non plus, et cohérentes avec le bon sens et l'expérience de l'auteur confronté pendant des années à des douloureux chroniques du dos. Ce texte veut surtout vous présenter la colonne sous un jour différent. Beaucoup d'idées reçues pèsent sur ce dos. Votre "philosophie vertébrale" aura sans doute changé ou se sera précisée en fin de lecture.

A quoi sert la colonne vertébrale?

C'est une chaîne articulée permettant les déplacements dans toutes les directions,
par la combinaison de 3 types de mouvements élémentaires:
1) flexion antéro-postérieure, d'avant en arrière
2) inflexion latérale: votre épaule s'abaisse à droite ou à gauche
3) rotation: vos épaules tournent vers la droite ou la gauche

La colonne est conçue surtout pour le 1er mouvement. Les autres sont plus accessoires. Leur répétitivité dans certaines professions est source de problèmes.

Colonne et bassin de face et de profil. En bas, le départ des fémurs. En haut départ du crâne.

La colonne est aussi un grand ressort:
Les 3 courbures, lordose (courbure vers l'arrière) cervicale, cyphose (courbure vers l'avant) dorsale et lordose lombaire, permettent de réduire l'agressivité des chocs dans l'axe (marche, course, sauts) sur les corps et les disques inter-vertébraux.

Ces courbures peuvent dévier de la moyenne:
Pas assez marquées, la colonne est plus raide, et risque théoriquement plus de fractures et d'écrasements discaux.
Trop marquées, elles exposent à des tassements des corps vertébraux à l'avant dans la cyphose dorsale, à des surmenages des arcs osseux postérieurs à l'arrière des lordoses cervicale et surtout lombaire (plus de poids).

Courbures: moyenne, hyperlordose lombaire, hypercyphose dorsale, colonne rectiligne

Détails sur les anomalies de courbure en annexe 1.

Cependant des courbures anormales ne sont pas une cause de douleur en elles-mêmes. Elles favorisent des dysfonctionnements par contraintes excessives sur certaines zones, mais interviennent aussi les automatismes gestuels, le type d'activité physique, la musculature protectrice, l'attitude vis à vis de ces douleurs...
Les mauvaises courbures sont des facteurs de risque, comme un cholestérol élevé est un risque pour l'infarctus tout en ne le provoquant que rarement.

Les maladies de la colonne vertébrale dont nous parlons ici sont les troubles "mécaniques". Excluons les maladies générales qui peuvent se localiser sur la colonne, tumeurs, infections, rhumatismes... Ils représentent moins de 5% des causes de douleurs vertébrales. C'est à votre médecin d'y penser et de les éliminer.

Vertèbres lombaires et bassin. L'arrière est à gauche.

L'unité de mouvement de la colonne, ou étage vertébral,
est la jonction de 2 vertèbres par un disque à l'avant, par les petites articulations postérieures (AP) à l'arrière.
Le disque est la zone portante principale.
L'arc osseux postérieur protège la moelle épinière dans le canal rachidien, au milieu, et laisse sortir de grosses racines nerveuses à droite et à gauche. Toute l'innervation du corps passe par la colonne vertébrale. Les ennuis à ce niveau peuvent faire voyager une douleur en n'importe quel point du corps.
Les AP sont des articulations de centrage des arcs postérieurs. Elles ne sont pas censées supporter une charge importante. Beaucoup de femmes fortes et cambrées au niveau lombaire mettent trop le poids du tronc sur les AP au creux des reins et en ressentent des douleurs très pénibles et chroniques qui diffusent dans toute la région du bassin et des hanches.

Le disque intervertébral n'est pas si différent d'une articulation normale.
Sur un genou par exemple, les extrémités du fémur et du tibia sont recouverts d'une couche de cartilage ferme et souple, doublée sur le pourtour de l'articulation de 2 ménisques, épaisse ceinture fibro-élastique qui "cale" et centre l'articulation. Un peu de synovie au milieu et tout glisse pour le mieux.
Le disque est également une ceinture fibro-élastique, mais soudée aux corps des vertèbres et elle fait le tour complet de l'articulation. Au milieu, la "synovie" est épaissie et remplit complètement l'espace: c'est le noyau discal, nucleus pulposus, dont les fameuses hernies à travers l'anneau fibreux causent tant d'ennuis.

La fonction crée l'organe. Le disque a évolué ainsi parce qu'il n'a pas besoin d'être aussi mobile qu'un genou (le mouvement se répartit entre de nombreux étages vertébraux) mais que l'amortissement reste important pour éviter de casser la colonne aussi facilement qu'un bambou.

Sans doute l'évolution n'avait-elle pas prévu qu'homo sapiens se mette debout aussi vite. En portant sur les derniers disques tout le poids du tronc. Et en additionnant des postures statiques et des mouvements répétitifs sur cette zone. Il est rare qu'à la cinquantaine nous ayons encore ces disques intacts.

La plupart des gens attribuent leurs problèmes de dos à un traumatisme, et particulièrement au travail.
Ce n'est pas exact. Même quand les ennuis semblent démarrer avec un énorme lumbago en soulevant son piano, le disque a déjà été fragilisé par des micro-traumatismes insuffisamment réparés. Le lumbago ne serait pas arrivé pour le même effort à 16 ans.

Le disque est un amortisseur efficace: quand un mouvement infléchit la colonne et rapproche les corps vertébraux d'un côté, le noyau discal se déporte vers le côté opposé et les fibres de l'anneau s'aplatissent, amortissant le rapprochement en douceur, évitant d'en faire un pincement agressif pour ce bord du disque, et assurant la fonction principale: éviter que les corps des vertèbres tapent l'un contre l'autre.

Le S.A.V
Le disque, comme tous les tissus de l'organisme, contient des cellules qui en assurent l'entretien. L'auto-renouvellement est permanent. Le vieux matériel est remplacé. Les fibres de soutien en mauvais état sont détruites. De nouvelles sont synthétisées. En cas de traumatisme, le système se réveille énergiquement: c'est l'inflammation, traditionnelle ennemie des malades et des médecins, que l'on combat immédiatement, et souvent stupidement, à coups d'armées d'anti-inflammatoires. La douleur, compagne désagréable de l'inflammation, est là pour nous signaler de ménager l'endroit. Si elle est trop forte et prolongée, mieux vaut prendre des médicaments spécifiques de la douleur que brider le processus de réparation. Il est déjà insuffisamment efficace dans beaucoup de douleurs chroniques, peut-être parfois parce qu'on a justement pris trop longtemps des anti-inflammatoires au début.

L'inflammation stimule à la fois la destruction des zones abîmées puis la réparation. Elle est facilitée par des cellules sanguines. Dans la plupart des tissus, les zones enflammées ont des vaisseaux dilatés. Cela permet l'arrivée de ces cellules en grand nombre, et facilite le renouvellement des nutriments plus rapidement consommés.

Le métabolisme du disque, comme celui de tous les cartilages, est lent. Il réagit même moins vite aux agressions que l'os, car il ne contient pas de vaisseaux sanguins. Il est alimenté à travers l'os et les ligaments qui l'entourent. Avec les années, les micro-traumatismes mal amortis par le disque fissurent les travées du tissu osseux sous le cartilage. S'ils sont trop fréquents, l'os se condense pour mieux résister... mais réduit ainsi la diffusion des nutriments vers le cartilage, affamant ses cellules.

Le bon état du disque résulte d'un bon équilibre entre dégâts quotidiens sur les fibres et les capacités de réparation. Que les premiers augmentent, ou les secondes diminuent, et commence la discopathie.

La réparation, vigoureuse chez le jeune, est rarement débordée: Il faut de violents traumatismes pour provoquer une hernie discale à cet âge.
Mais le tonus cellulaire diminue au fil des années. Nous sommes programmés ainsi dans nos gènes. L'évolution ne veut pas s'encombrer de modèles toujours possibles à améliorer... ou à adapter si les conditions de vie changent.
Nous nous réparons de moins en moins bien: Si ces capacités sont débordées, les fibres de l'anneau discal ne sont pas correctement remplacées, les nouvelles sont de moins bonne qualité, les ruptures vont se produire de plus en plus facilement.

Il n'existe pas actuellement de médicament stimulant la réparation. Par contre beaucoup de conduites quotidiennes inadaptées la gênent. Nous pouvons les améliorer, pour permettre à la réparation naturelle de devenir plus efficace.

Quand aux dégâts, la plupart des gens pensent les réduire en se contentant de réduire les efforts physiques.
Mauvais calcul. Pour 2 raisons:
-Les contraintes ne deviennent traumatismes que quand la barrière protectrice musculaire est dépassée, or la réduction des efforts affaiblit aussi cette protection, que vous ne pouvez espérer remplacer aussi efficacement par une ceinture lombaire.
-Les contraintes sont des stimulants mécaniques importants pour l'activité cellulaire de réparation: un disque au repos n'a aucune raison de se réparer. Les crises d'arthrose et les accidents discaux suivent volontiers des périodes de repos volontaires ou non.
Paradoxalement, les douloureux du dos devraient donc se muscler, harmonieusement et intelligemment, alors que la plupart s'économisent.

La dégradation de l'étage vertébral se fait en plusieurs étapes,
qui prennent une cinquantaine d'années en moyenne, mais beaucoup moins pour certains:

1) Les premières lésions
-micro-fissures de l'anneau discal surtout chez ceux qui font travailler beaucoup leurs disques en torsion: métiers physiques, sportifs
-détérioration du noyau discal par pressions trop fortes et prolongées, surtout chez ceux qui ont des positions statiques: métiers avec position assise ou debout figée.
*Ces premières phases sont indolores: le disque ne contient pas de nerfs.
Des douleurs vives de la colonne vertébrale peuvent survenir à ce stade, comme à tous les stades, sans être en rapport avec de vrais dégâts. C'est le grand problème des dysfonctionnements vertébraux bénins, qui causent des difficultés même aux meilleurs spécialistes, car ils ne se voient sur aucun examen complémentaire, peuvent être réversibles ou au contraire devenir des lésions, la frontière est rarement nette. Cf annexe 2.

2) Le débordement
-la réparation est débordée: l'inflammation discale ne s'arrête plus... parce qu'elle n'atteint plus son but: rétablir une fonction efficace, un disque souple mais résistant.
-le pourtour du disque est siège d'une multiplication de petits vaisseaux sanguins, assurant les "fournitures" pour cette inflammation persistante. Il se crée aussi de nouveaux rameaux nerveux, qui transmettent de nouvelles douleurs: il faut bien vous avertir que vous ne vous conduisez pas correctement puisque l'endroit n'arrive pas à se réparer ! Ces rameaux nerveux pénètrent dans l'anneau discal, le transformant petit à petit en épine irritative dans votre système nerveux: un douloureux du dos ancien ne peut pas se débarrasser de sa gêne aussi facilement qu'un douloureux récent: il faudrait qu'il s'arrache ces petits nerfs ! Mais il peut déjà arrêter de les stimuler...
-les fibres de l'anneau mal réparées laissent passer de petits fragments du noyau, sous l'effet de pressions locales trop intenses et trop prolongées. Effort inconsidéré? pas forcément. Une station assise prolongée, pesant des heures sur la même zone des fibres, est aussi traumatisante: Fidèles du bureau, gigotez !
*Cette phase est celle de la douleur en "barre" lombaire, apparaissant au fil de la journée avec les positions assises ou debout immobiles.
Les minuscules hernies du noyau à travers les fibres de l'anneau provoquent de petits "tours de rein", douleurs plus vives et localisées sur un côté, qui disparaissent en quelques jours à quelques semaines.

Un étage vertébral vu de profil (4ème et 5ème lombaires). L'avant est à gauche. L'extrémité de l'arc osseux postérieur, à droite, est une protubérance, l'apophyse épineuse, que l'on sent juste sous la peau au milieu du dos. Les nerfs sont en jaune.

Sur cette vue dans l'axe de la colonne, on a retiré la vertèbre du dessus. Le cordon jaune sectionné dans l'axe est la moelle épinière, faisceau de fibres nerveuses qui relie le cerveau aux extrémités, en formant des racines nerveuses qui partent des 2 côtés entre chaque vertèbre. L'épineuse, sous la peau du dos, est en haut.

La vraie hernie discale,
quand un fragment du noyau fait céder complètement l'anneau et jaillit à l'extérieur du disque, où elle n'a rien à faire, est autrement plus pénible: elle soulève le ligament vertébral extrêmement sensible et, située dans le foramen, peut venir au contact de la grosse racine nerveuse qui passe là et provoquer une sciatique ou une cruralgie (selon le numéro de la vertèbre, Cf annexe 3).
Brutale, la hernie peut entraîner une syncope, et des douleurs telles que la personne supplie de se faire opérer dans l'heure.
Mais progressive, sortant sur plusieurs mois ou années par un petit trou dans l'anneau, comme un tube de dentifrice lentement vidé, elle peut ne pas provoquer grand trouble: de nombreuses personnes ont ainsi des hernies sans le savoir, et parfois une sciatique démarre doucement, sans avoir eu antérieurement mal au dos, parce que la hernie est venue petit à petit au contact de la racine nerveuse sans avoir vraiment enflammé le secteur.

Paradoxalement ces sciatiques modestes sont les plus difficiles à guérir sans opération:
Quand la hernie est aiguë, l'inflammation vive "nettoie" efficacement ce "corps étranger" en quelques semaines. Si le malade a pu tenir le coup avec de la morphine, il est souvent guéri.
Quand la hernie est progressive: pas d'inflammation, pas de disparition. Dès que l'étage vertébral travaille trop, que le nerf frotte contre la hernie, la sciatique apparaît facilement, peu importe ce qu'on peut vous faire avaler. La rééducation est peu spectaculaire. Une attitude "terroriste", qui consisterait à ignorer la douleur et à vous déclencher une bonne crise, serait sans doute une meilleure solution... mais la sciatique est difficile à ignorer. Les progrès de la chirurgie permettent de la conseiller plus facilement.

3) La dégradation
Quand la réparation n'est plus assez efficace, la dégradation prend le dessus, surtout quand le tissu de soutien part en morceaux: l'organisme ne cherche plus qu'à se débarrasser de ces fragments inutiles et gênants. Le nucleus est résorbé, l'anneau devient cicatriciel, mince et rigide.
Sur les radios la hauteur du disque diminue. L'os du corps vertébral n'est plus amorti correctement. Il accélère sa réparation qui devient plus anarchique: les rebords osseux se déforment et apparaissent les fameux "becs de perroquet", envahissement des ligaments attachés sur le pourtour des vertèbres par du tissu osseux.

4) Les conséquences de l'affaissement discal
-Elles ne sont pas toutes défavorables: l'enraidissement de l'étage vertébral signifie la fin de douleurs chroniques pour beaucoup de personnes: il est fréquent de souffrir pendant 20 ans de façon plus ou moins intermittente de cette pénible barre lombaire, puis de la voir disparaître, étonnamment puisqu'on arrive à l'âge de l'arthrose. Oui, mais une articulation qui ne bouge plus ne fait plus mal. C'est un des moyens artificiellement employés par les chirurgiens: l'arthrodèse fixe avec une plaque ou un clou l'articulation qu'on ne peut pas remplacer... et dont on n'a pas un besoin impératif: hanche et genou ne pourraient ainsi se bloquer qu'au prix d'un lourd handicap, et c'est parce qu'ils restent mobiles qu'ils deviennent de plus en plus douloureux avec l'âge et les dégâts croissants.

-L'affaissement discal provoque un mauvais positionnement des facettes articulaires postérieures, qui n'ont rien demandé. Même si les courbures sont normales au départ (rappelez-vous qu'une cambrure excessive surmène déjà les AP avec un disque de hauteur normale), la perte de hauteur à l'avant va décaler les surfaces des AP et les faire travailler anormalement -> arthrose.

Vertèbre normale

Vertèbre arthrosique

C'est là cette fois une arthrose des plus classiques: érosion de la couche de cartilage, épanchements de synovie, déformation des rebords osseux autour des surfaces progressivement à nu.
Avec 2 conséquences particulières:
a) La richesse en terminaisons nerveuses des enveloppes des AP provoque, en cas de poussée inflammatoire de l'arthrose, des douleurs qui diffusent énormément aux fesses, hanches, ceinture abdominale, bas ventre.
b) La déformation de l'arc osseux au niveau des foramens, par où sortent les grosses racines nerveuses, rétrécit encore un peu plus ces espaces déjà réduits par l'affaissement discal en avant. Sans la moindre inflammation arthrosique et donc sans douleur vertébrale, ces canaux rétrécis provoquent de pénibles douleurs chroniques de trajet sciatique ou crural.

L'arthrose vertébrale, vous l'avez compris, fait mal par les nerfs de voisinage davantage que par les articulations elles-mêmes. C'est le motif de la faible efficacité des anti-inflammatoires à ce stade, et des calmants en général.
C'est encore plus illusoire de prendre des traitements de fond pour l'arthrose: ces médicaments, déjà sans doute des placebos, n'ont aucune chance d'agir sur une colonne à ce stade avancé de détérioration et sur des douleurs de nerfs irrités.
Les pilules les plus utiles sont les antalgiques ciblés sur la névralgie, et les anti-épileptiques, souvent utilisés dans les centres anti-douleur.
Mais les premiers entraînent des accoutumances (surtout les morphiniques), les seconds ne ciblent pas que les nerfs de la douleur et diminuent l'attention. Cherchez un compromis acceptable plutôt qu'une solution radicale de ce côté.

-Enfin l'enraidissement discal a l'inconvénient de reporter le mouvement et l'effet ressort sur les étages vertébraux adjacents: les détériorations discales s'enchaînent. Une erreur courante est de penser le disque le plus abîmé sur les radios, responsable des douleurs actuelles. C'est possible, mais c'est plus souvent le voisin, en apparence plus épais mais en train de rattraper l'autre, qui est responsable. Un disque complètement pincé ne donne plus de douleurs directement discales et de hernies. C'est plutôt l'arthrose postérieure qui fait souffrir à cet endroit.
Il est donc très important d'examiner précisément les gens et de vérifier la cohérence des constatations avec les examens complémentaires...
...enfin surtout quand on envisage des traitements ciblés, tels qu'infiltration, opération, manipulation. C'est moins important pour des traitements globaux, tels que rééducation, ostéopathie générale, lombostat, qui prennent en charge les chaînes articulaires.

Les conséquences de l'enraidissement discal peuvent retentir très à distance de la colonne:
Vous ne pouvez plus vous pencher en avant, on vous conseille en école du dos de fléchir les genoux, oui mais ça va quelque temps, après les genoux trinquent. Ce ne peut être qu'une philosophie temporaire.
Vous ne tournez plus le bas du dos. Le regard, lui, ce grand curieux, a toujours besoin d'explorer votre environnement. Les mouvements cervicaux sont davantage mis à contribution. La cervicalgie, déjà si fréquente, vous guette.

Vous comprenez le concept de chaîne articulaire:
une lésion à un endroit provoque des dysfonctionnements et pour finir d'autres lésions, ailleurs.
Vous ne pouvez pas ignorer impunément des douleurs, en particulier lorsqu'elles sont vertébrales.
Mais vous ne pouvez pas non plus réclamer à votre médecin de les faire disparaître:
Parce qu'il n'y comprend pas toujours lui-même grand chose, la formation scientifique classique étant insuffisante sur un sujet aussi chaotique.
Parce qu'il n'a pas le temps de vous expliquer toute cette prose, s'il en a connaissance, et qu'en retiendriez-vous dans le temps imparti?
Parce qu'il n'a que des emplâtres pour vous soulager.
Parce que si vous êtes convaincu qu'une hernie discale ou l'accident de travail est responsable de tous vos ennuis, il aura bien du mal à vous persuader du contraire.
Parce que vous êtes aux commandes de cette carcasse douloureuse, et que si on peut vous conseiller sur la méthode, vous devez apprendre à reconnaître les bonnes informations de vos nerfs pour adopter les bonnes attitudes.

Ne plus souffrir du dos, c'est comme maigrir ou corriger toute conduite addictive: C'est repérer les bonnes et mauvaises habitudes, identifier éventuellement des blocages inconscients (le système nerveux périphérique est la cheminée d'évacuation du volcan de l'inconscient) et, en douceur, sans violence, remplacer les mauvaises habitudes par d'autres, chercher surtout comment y prendre goût.

Le principal ennemi est la paresse, et aussi bien sûr les obligations du quotidien sur lesquelles on a peu de pouvoir, mais c'est souvent le même problème: crevé par une journée stressante, vos rares heures de liberté deviennent de plus en plus paresseuses. Changez de vie ! Comptez sur votre colonne pour vous dire quand vous avez réussi.


Annexe 1: Anomalies de courbures:

Il y a d'autres types de courbures déviantes sans être encore pathologiques, qui peuvent provenir de facteurs génétiques et/ou de troubles de la croissance:
-courbures trop longues: par exemple grande cyphose dorsale prenant les premières vertèbres lombaires et réduisant la lordose lombaire à peau de chagrin.
-courbure qui s'accentue avec l'âge: dos voûté, tête qui s'affaisse en avant -> look de vautour. Conséquences: tassement des vertèbres dorsales, surmenage de l'arrière des cervicales hautes, obligées d'être en hyperflexion postérieure pour éviter de regarder ses pieds en permanence.
-mauvais équilibre saggital: de profil, l'axe principal de la colonne doit se projeter sur les têtes des fémurs. Il peut passer bien en avant, en particulier pendant la grossesse.

La scoliose est une courbure pathologique. Les vertèbres "tournent", comme si les cubes d'une pile étaient légèrement en rotation les uns par rapport aux autres au lieu d'être bien alignés.


Annexe 2: Dysfonctionnements. Douleur chronique.

Les troubles mécaniques peuvent être classés en 2 grandes catégories:
-les dégâts, principal sujet de l'article,
-les dysfonctionnements bénins
Ne vous classez pas selon l'intensité de votre douleur.
Elles ne sont pas bénignes dans la seconde catégorie, pas toujours importantes dans la première. Certes la sciatique aiguë par hernie discale est une des pires douleurs qui soit, mais elle ne dure pas plus de quelques jours à cette intensité et il existe des traitements efficaces. Tandis que certains dysfonctionnements chroniques durent des années, créent une douleur envahissante sur laquelle les calmants ne font plus rien. Il y a des lésions silencieuses: la plupart des gens ont des disques lombaires détériorés à la cinquantaine, beaucoup n'ont aucun souvenir d'avoir eu mal au dos.

La douleur, normalement bonne conseillère, est en fait souvent un problème en elle-même pour la colonne.
Cela tient à sa richesse en départ de grosses racines nerveuses et en terminaisons sensibles, autour de trous et de fentes articulaires. En cas de dysfonctionnement osseux, ce n'est pas seulement l'os qui coince, mais aussi le nerf, plus méchamment: c'est du dur contre du mou...

La fonction du nerf est normalement de transmettre le degré d'irritation signalé par ses terminaisons dans les tissus: os, ligament, muscle, tendon, peau... douleur "normale", qui protège les structures lésées.
Quand le tronc du nerf lui-même est agressé, il transmet une douleur "anormale", qui semble provenir de la région dont il s'occupe, alors que cette région n'est siège d'aucune lésion.
C'est la classique sciatique, affreuse douleur dans une jambe... qui n'a en réalité aucun problème. Si vous vous fiez à ce que vous indique le nerf, vous vous mettez à boîter, surmenant la colonne vertébrale... siège de la véritable lésion. Explication de tant de sciatiques bénignes mais traînantes.
Le nerf irrité provoque d'autres sensations très riches... autant que pénibles: froid et chaud, fourmillements, brûlures, crampes, éclairs douloureux...
Et par malchance ces phénomènes sont peu sensibles aux anti-inflammatoires et aux calmants habituels. Il faut des psychotropes, qui ont souvent tendance à vous zombifier quand vous arrivez à la dose efficace.

Mais ce peut être une solution si vous ne supportez plus cette douleur, en particulier quand elle est majorée dès le moindre effort: utilisez les médicaments pour la réduire d'un cran, pour lui retrouver une gradation utile et conseillère lors des exercices physiques.
N'en faites surtout pas un traitement de fond. C'est un soutien pour la mise en place de mesures physiques, seules capables de vous tirer définitivement d'affaire.


Annexe 3: Territoires des nerfs au membre inférieur

L3 est la racine nerveuse qui sort entre la 3ème et 4ème vertèbre lombaire. Elle sera donc irritée habituellement par une hernie de ce disque. Mais pas toujours: les hernies peuvent migrer vers le haut ou le bas.
S1 sort entre 5ème lombaire et sacrum.

Dans les hernies discales, ces trajets complets dessinés ne sont ressentis qu'en cas de compression importante du nerf, intéressant toutes les fibres nerveuses. Quand seule une partie est irritée (au contact de la hernie), la douleur peut être "suspendue" sur une zone. C'est un grand piège, car si la douleur dans le dos est peu apparente (elle est masquée par l'intensité de la sciatique), elle peut simuler un problème de pied, de genou, de hanche.

Les douleurs qui voyagent le long de la zone sont de meilleur pronostic: le conflit n'est pas trop figé. Le nerf n'est pas étranglé en permanence. Le déplacement de la douleur annonce souvent sa disparition.

Une douleur prenant tout le territoire du nerf n'indique pas réciproquement qu'il existe forcément une hernie discale sévère. Ce peut être le résultat d'une lésion bénigne mais traînante: en l'absence de traitement efficace, le nerf irrité "recrute" les fibres nerveuses adjacentes et la douleur s'étend alors que la lésion ne s'aggrave pas. Ce peut être particulièrement impressionnant et pénible pour les gens dits "nerveux".
Les territoires des nerfs deviennent d'ailleurs beaucoup plus vagues. Souvent, toute la jambe fait mal.