Comment
se comporter avec une arthrose: Si vous n'avez pas sauté les étapes de cette présentation
générale de l'arthrose, vous aurez déjà compris
tout seul comment se comporter: on ne force pas sur une articulation en
poussée inflammatoire. Si c'est une articulation portante (hanche,
genou, cheville), la mise en décharge (utilisation de 2 cannes
anglaises pour ne pas mettre le poids du corps sur l'articulation) est
un traitement contraignant mais très rentable: c'est le véritable
traitement de fond qui facilite la réparation de votre articulation.
Les anti-inflammatoires, en comprimés ou par infiltration, ne doivent
être utilisés que si l'inflammation est excessive. La ponction
d'une articulation très tendue par la synovie est beaucoup plus
utile, soulageant immédiatement, évitant la distension des
enveloppes articulaires, et "lavant" votre jointure de ses débris.
La durée de la décharge est variable, selon l'importance
de la crise. Au-delà de quelques jours, elle a des effets pervers
sur votre musculature. Soyez-y d'autant plus attentif si vous n'êtes
déjà pas en très bonne condition physique au départ.
Il est judicieux d'entretenir cette musculature par des exercices en position
allongée et isométriques (sans bouger les articulations).
En dehors des crises, vous devez récupérer la souplesse
de votre articulation par des étirements, la protéger par
une musculature entretenue (évite les phénomènes
d'instabilité). Préférez à nouveau les sports
en décharge pour les articulations portantes (natation, gym au
sol), mais tout est permis tant que la durée de station debout
n'est pas excessive. Le véritable ennemi est le piétinement.
La station debout statique surmène toujours les mêmes zones
de votre cartilage. On est souvent occupé à faire autre
chose quand on piétine: le temps passe et les heures debout s'accumulent.
Vous devez passer en revue votre journée-type et aménager
toutes les situations où la station debout n'est pas vraiment indispensable.
Disposez des tables mi-hautes près des endroits où vous
piétinez souvent et posez une fesse dessus. Exemples: le repassage,
la cuisine, le bricolage. Lors des visites, des courses, marchez plutôt
vite et faites des pauses fréquentes. Déplacez avec
vous un siège léger en toile si vous suivez un groupe qui
progresse à petits pas. Par contre, solliciter votre articulation
même sévèrement n'est pas mauvais si cela reste sur
des durées brèves: cela stimule sa réparation. Rien
ne vous interdit ainsi de monter les marches quatre à quatre ou
de piquer un sprint si vous vous sentez sûr de vous. Attention tout
de même aux traumatismes qui peuvent avoir des conséquences
beaucoup plus prolongées sur une articulation arthrosique.
Surveillez votre alimentation: maigrissez si vous êtes en surpoids.
Le bénéfice est démontré pour les articulations
portantes, hanche et surtout genou. Si des crises réduisent votre
activité physique, vous devez être d'autant plus attentif
à votre régime car vous brûlez moins de calories.
Important: Vous êtes alité pour une autre maladie...
Nous avons cité plus haut l'intérêt du non-appui sur le membre douloureux en cas de crise avec gonflement net, à condition qu'il soit très temporaire et si possible partiel (appui avec cannes).
A contrario, si vous êtes alité pour une autre maladie quelconque (cardiaque, infection, opération chirurgicale...), et que vous avez une arthrose du genou ou de la hanche sans en avoir souffert jusque là, vous risquez de la décompenser: votre articulation usée ne reçoit plus ses stimulations de pression habituelles, et le cartilage réduire son auto-réparation, déjà altérée.
Quand vous reprendrez la marche, vous risquez de voir apparaître des douleurs jamais ressenties auparavant, sur cette hanche ou ce genou. Pour l'éviter:
1) Efforcez-vous, si vous en avez la permission et le courage, de vous lever régulièrement pendant votre période d'hospitalisation (vous prévenez également les risques de phlébite, d'atrophie musculaire et de constipation). Aidez-vous éventuellement d'antalgiques.
2) Ne reprenez pas trop vite la marche et la station debout en rentrant chez vous. Donnez-vous 2 à 3 semaines d'adaptation, ou mieux reprenez d'abord des activités ne chargeant pas vos articulations, piscine et vélo d'appartement.
Pratique:
A quel stade d'arthrose êtes-vous?
Prenons les choses à l'envers: Comment, à partir de vos
symptômes, savoir à quel stade de l'arthrose vous êtes
actuellement?
1) Vous n'avez pas mal en permanence, seulement
après un effort soutenu.
Le diagnostic d'arthrose peut être difficile à ce stade,
les radios sont souvent normales ou banales pour votre âge, les
causes de douleurs sont multiples... Le meilleur argument pour l'arthrose
est la durée prolongée, sur plusieurs mois, de votre gêne.
C'est le stade de la 1ère lésion cartilagineuse, une fente
peu profonde du "pneu", ou un effilochage d'une petite surface,
pas assez important pour produire beaucoup de débris.
La cicatrisation est possible: il suffit de laisser la zone se réparer
tranquillement: esquiver sa douleur, corriger un geste traumatisant, recentrer
l'articulation par des techniques manuelles**,
sont des méthodes efficaces.
3 difficultés importantes en pratique:
-le problème doit être correctement identifié: le
médecin a rarement l'heure nécessaire pour analyser très
précisément le mode de déclenchement de la douleur
et la façon dont vous vous comportez dans la vie courante. Le mieux
est que, brillamment informé par Rhumatologie Pratique, vous l'aidiez
dans cette analyse.
-les corrections de gestes et postures peuvent être difficilement
compatibles avec l'activité professionnelle (éviter le piétinement
pour une arthrose du genou: pas facile pour quelqu'un qui travaille debout).
-le plus important: il faut tenir la distance. La réparation du
cartilage est lente. C'est un peu comme une fracture osseuse: il ne faut
pas tenter de se servir normalement de cette zone avant plusieurs semaines,
et y aller doucement au début.
2) Votre articulation est presque toujours
sensible et légèrement gonflée.
La dégradation du cartilage progresse. La réparation n'est
visiblement pas suffisante pour vous sortir d'affaire. Même si vos
douleurs n'empirent pas, ce n'est pas une évolution stationnaire:
si vous attendez sans rien faire, vous allez arriver au stade 4. Il faut
modifier votre hygiène de vie, faciliter la réparation par
des injections de hyaluronate*.
L'utilisation des anti-inflammatoires est très discutable: ils
apportent un confort, certains pensent qu'ils peuvent limiter l'agression
du cartilage restant par les produits de dégradation présents
à l'intérieur de l'articulation (mais un lavage est plus
efficace), d'autres rappellent qu'ils bloquent les processus de réparation
naturels des tissus et pourraient en fait prolonger la période
douloureuse. Personnellement je déconseille l'utilisation des anti-inflammatoires,
les antalgiques de niveau 1 n'ont pas ces incertitudes.
Lisez Protocle de traitement d'une arthrose en phase congestive. 3) Votre articulation est très gonflée et sensible.
Vous êtes très handicapé.
Dans le meilleur des cas, c'est récent et c'est juste une production
excessive de synovie, qui distend votre articulation et cause cet inconfort,
sans qu'il y aie forcément de gros dégâts articulaires.
La ponction du liquide montrera qu'il est transparent (jaune quand même,
c'est sa couleur normale) et dépourvu de fragments visibles. Vous
serez spectaculairement soulagé, durablement si l'on a injecté
une ampoule de cortisone à la fin de la ponction.
La plupart du temps, la ponction ramène un liquide chargé
en minuscules débris. la profusion de ces fragments de cartilage
indique l'importance de la dégradation. Ils se fichent dans l'enveloppe
articulaire, la membrane synoviale, et l'irritent: la production de liquide
et donc le gonflement va continuer, même si l'on a injecté
de la cortisone.
Lisez Protocle de traitement d'une arthrose en phase congestive.
C'est une situation très difficile, qui débouche souvent
sur l'opération: prothèse totale quand c'est le genou ou
la hanche. Le seul espoir pour éviter la chirurgie est de stabiliser
la zone de cartilage qui s'effiloche par plusieurs lavages successifs,
et un exercice régulier de l'articulation avec très peu
de charge, de façon à régulariser les berges de la
lésion sans l'aggraver. Ce traitement est très mal codifié
et vous trouverez peu de médecins et de kinés capable de
l'appliquer. Les chirurgiens peuvent pratiquer un lavage et une régularisation
des lésions en arthroscopie, mais c'est un traitement trop ponctuel
pour brider l'évolution d'une arthrose avancée. Dans le
meilleur des cas, vous arriverez à des douleurs de stade 4. Même
si la prothèse totale vous répugne, n'attendez pas trop
longtemps pour vous décider: après plusieurs mois, votre
musculature s'est affaiblie, vous avez pris de mauvaises habitudes, tant
physiques que médicamenteuses, et c'est plus difficile d'avoir
un bon résultat avec la prothèse.
4) Vous n'avez pas mal tant que vous ne vous
servez pas de l'articulation. Par contre dès que vous posez le
pied par terre, ouille!
C'est le stade où vous "roulez sur les jantes". Il n'y
a plus de pneu, plus de production de débris irritants. Mais en
l'absence d'amortisseur, l'os encaisse mal les contraintes du poids du
corps: il se fendille, se répare, heureusement, mais vous signale
de le laisser tranquille par des douleurs de type foulure.
Il faut perdre du poids et lisser votre activité physique. Il faut
mettre tous les jours sur l'articulation le même nombre de "kilos-heures".
Et si vous devez affronter une situation inhabituelle (voyage), préparez-vous
plusieurs semaines à l'avance en accentuant progressivement la
durée de charge sur votre articulation.
Seule la prothèse, à ce stade, vous débarrassera
de ces limitations. En attendant le cartilage artificiel...
Les
différents stades de l'arthrose vus par arthroscopie à l'intérieur
d'un genou
Cartilage normal
ferme et élastique,
résiste à la pression
de la canule
Arthrose
stade 1
la canule s'enfonce
facilement dans le
cartilage, ramolli
Stade 2
altération de surface
du cartilage, qui
s'effiloche
Stade
3
la pression de la canule
fait apparaître une
fissure profonde
sur la droite
Stade
4
le cartilage a complètement
disparu sur certaines zones
(taches sombres irrégulières)
l'os est à nu
Pendant
l'arthroscopie: nous voyons ici l'espace entre la rotule et le fémur.
A gauche c'est une zone du cartilage rotulien apparamment en bon état:
lisse, non fissuré; il faudrait néanmoins appuyer dessus
avec une canule pour vérifier qu'il n'est pas un peu mou, ce qui
signerait le premier stade d'une arthrose.
A droite cette zone est abîmée: la surface s'effiloche. La
plupart du temps les lésions sont en miroir. Effectivement, de
l'autre côté, le cartilage du fémur n'est pas en très
bon état non plus.
Les
condyles sont la double extrémité arrondie du fémur
au genou: Nous voyons ici la surface du condyle côté intérieur
du genou. La cartilage est très abîmé, avec de gros
débris encore reliés par quelques filaments à la surface
du cartilage. Tout en haut la zone blanche a encore une certaine épaisseur
de cartilage, à partir de la point de la flèche, la zone grisée
recouverte de filaments est une zone d'os quasiment à nu.
Photo
de droite: dans la partie extérieure de l'espace entre fémur
et tibia, nous voyons le ménisque externe, avec son bord intérieur
mince (celui qui vient vers nous, sur la pointe de la flèche),
et son bord extérieur épais (le plus loin de nous); la partie
gauche est régulière, en bon état.
Photo de gauche: l'extrémité du ménisque est en très
mauvais état: effilochée, laissant partir des débris.
Si cette lésion était isolée, il suffirait que le
chirurgien la rabote pour la stabiliser et fasse un lavage pour que l'articulation
devienne indolore. Mais la présence d'autres lésions cartilagineuses
ne permettra pas un bon résultat. Ce genou va rester douloureux
après l'arthroscopie et il faudra se tourner vers les autres traitements
de l'arthrose.