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Coccygodynie pour le médecin Mise à jour: 8/09
Résumé d'une communication faite par le Pr Jean-Yves Maignes à la SFR en 2007. Toutes les images reproduites ici sont sa propriété personnelle.

Le terme de coccygodynie est encore souvent utilisé pour toutes les douleurs de la région du coccyx alors qu'il devrait être réservé aux souffrances dynamiques des pièces coccygiennes, caractérisées par 2 symptômes:
1) Le patient montre du doigt un point douloureux précis
2) La station assise et surtout le relèvement d'un siège déclenche un passage douloureux toujours au même endroit.

Examen clinique:
-Inspectez à la recherche d'une fossette cutanée, voire sinus pilonidal (minuscule "nombril" à l'extrémité du coccyx) -> épine coccygienne
-Palpation douloureuse à l'apex -> épine, sur un disque coccygien -> hypermobilité
-Coccyx rigide
-Toucher rectal, classique pour la mobilité coccygienne, peu utile en pratique et pénible.
-Points douloureux latéraux sur les releveurs et les ligaments sacro-coccygiens, souvent unilatéraux.

Radiographie: Indiquée en cas de douleur chronique, pas pour une coccygodynie aiguë post-traumatique (beaucoup guérissent spontanément).

Technique:
1 cliché debout de profil
1 cliché assis sur un tabouret, pieds sur un repose-pieds, patient roulant sur les fesses jusqu'à déclencher sa douleur habituelle.
Les 2 radios sont superposées sur un spot, sacrums alignés -> mesure de l'angle de mobilité coccygien, normalement 0 à 25° (homme) 30° (femme). Le coccyx se déplace vers l'arrière 1 fois sur 3, de 15° max (beaucoup plus exceptionnellement augmenté).

Les lésions:
1) Luxation postérieure (20% des coccygodynies): décalage de 2 pièces coccygiennes en position assise, typiquement chez un obèse à faible rotation pelvienne, coccyx rectiligne, tombé lourdement sur les fesses.

Le coccyx est droit, rigide, les disques sont obliques, facilitant la luxation de la pièce inférieure vers l'arrière.

2) Hypermobilité (25%): mobilité > 30°, typiquement chez une femme maigre à rotation pelvienne importante, qui présente son coccyx presqu'à plat sur le siège, et va faire une flexion importante au lever.
Signe de la friction osseuse: le disque a disparu, les bords des pièces coccygiennes sont condensés.
Signe de la marche d'escalier, entre les 2 pièces, à l'endroit de l'hypermobilité.
L'hypermobilité est-elle normale ou pathologique (entorse)? Elle est pathologique si elle favorise un surmenage et une inflammation discale, et la radio n'apporte qu'un argument supplémentaire quand l'hypermobilité concerne le disque douloureux.

3) Epine coccygienne (15%): bursite en regard de l'épine causée par l'appui. Anomalie constitutionnelle associée dans 70% des cas à un sinus pilonidal (parfois simple fossette). Attention de ne pas passer à côté d'une infection quand l'orifice est franc.
Sinus pilonidal ______ en IRM

Ces épines ne sont pas toujours douloureuses, contrairement aux luxations. Elles le deviennent généralement chez des patients maigres au coccyx rigide, où l'épine ne s'efface pas à l'appui.
Parfois les épines sont mal vues de profil parce que pas tout à fait sagittales, mieux vues sur un 3/4 ou sur une reconstruction 3D en scanner.
Epine en IRM __________ en scanner reconstruction 3D

Dans 40% des cas la radio est normale:
Comme pour d'autres articulations cela n'élimine pas une discopathie -> avec un point douloureux précis on peut conseiller le test d'une infiltration. Ces points sont parfois plutôt ligamentaires et musculaires, paracoccygien. Possibilité de faire des massages transverses ou une infiltration locale, empirique dans ce cas. C'est souvent là que l'ostéopathie a ses meilleurs succès.

L'IRM est indiquée en cas de radio dynamique normale et d'échec d'infiltration radio-guidée et d'une séance manuelle.

Les diagnostics différentiels sur le coccyx:
-Douleur projetée d'origine lombaire: elle est plutôt influencée par les inflexions lombaires que par le fait de s'asseoir, peut être réveillée par la toux. Elle est plus diffuse, tissulaire.
Notons que même quand le rachis lombaire n'est pas responsable, sa raideur favorise la coccygodynie en empêchant la rotation sagittale du bassin qui met le coccyx à l'abri. L'arthrodèse lombaire a un RR de 50 pour la coccygodynie. En tenir compte dans la prise en charge thérapeutique.
-Kystes de Tarlov: banaux, > 90% sont asymptomatiques -> l'imputabilité des douleurs aux kystes est très délicate.
-Fractures du coccyx: très rares, c'est le sacrum qui casse en règle, trait difficile à voir, mais le trauma est important et l'hématome local alerte. La guérison est de règle... sauf en cas de luxation associée -> vraie coccygodynie.
Fracture du coccyx
-Tumeur du coccyx (exceptionnelle)
-Arthrites micro-cristallines: atteintes brutales et très inflammatoires du coccyx, très sensibles aux AINS et éventuellement à une corticothérapie orale ou locale.
Calcification d'un disque coccygien
-Certaines ablations du coccyx ont retrouvé des petits glomus coccygiens à l'apex.

D'autres diagnostics "régionaux":
-Névralgie pudendale: périnée, organes génitaux externes, dyspareunie, sensation de corps étranger intra-rectal ou intra-vaginal. La coccygodynie ne va jamais vers l'avant de l'anus.
-Névralgie anale (proctalgie), vive mais sans rapport avec la station assise

Responsabilité d'une chute sur les fesses, aspects médico-légaux:
Une chute sévère est directement responsable si la douleur apparaît dans les 2 à 3 semaines suivantes maximum. Typiquement la contusion, présente dès le début, ne s'améliore pas, voire s'aggrave au fur et à mesure que le patient recommence à s'asseoir plus longtemps et accentue la luxation coccygienne.
Un autre cas de figure: le traumatisme a déclenché des lésions plus sévères ailleurs, par exemple le tassement d'une lombaire, qui masque complètement la coccygodynie au début. Sa révélation au bout de plusieurs semaines la rend néanmoins imputable au choc.
Plus délicate à apprécier est la responsabilité d'un trauma datant de plusieurs mois. Il y a des coccygodynies sans aucun choc, micro-traumatiques ou liées à des particularités morphologiques. Un choc même ancien a pu participer à la mobilité anormale... C'est la bouteille à l'encre. On appréciera en fonction des autres critères: importance de la luxation dynamique (trauma), morphologie du coccyx et surpoids (non trauma)... mais les patients ne l'entendent pas toujours de la même oreille...
1/3 des coccygodynies semblent réellement traumatiques.

L'obésité est un risque: RR=3,5 pour la coccygodynie. Le poids du tronc joue, mais aussi la façon de s'asseoir: l'obèse ne fait pas rouler son bassin en s'asseyant, il se laisse tomber verticalement. L'obèse est également plus cambré: le sacrum est plus horizontal et le coccyx plus vertical.

Traitement: Infiltration: Elle est plus fiable sous contrôle scopique. Bons résultats dans 2/3 des cas, ne dispense pas des consignes d'appui sinon la douleur tend à récidiver après 3 mois. Si une 2ème infiltration donne un résultat plus prolongé que la première, le patient va probablement guérir, dans le cas contraire mieux vaut les abandonner.
Les résultats sont moins bons dans les luxations (50% d'amélioration) et en cas de longue durée d'évolution préalable.

Infiltration du ganglion impar: termine la chaîne ganglionnaire rachidienne. Utilisée dans les douleurs pelviennes cancéreuses. Technique: injection à travers le disque coccygien jusqu'au ganglion juste en avant.

Traitement manuel: Plusieurs techniques: massages des releveurs, étirements des releveurs, 2 à 3 séances. Meilleurs succès quand les radios sont normales.

D'après Robert Maigne :
-Les massages des releveurs de l'anus ont été proposés par Ely (1910) et repris par Thiele (1936) et Desse (1950) puis Françon (1951) qui les ont faits connaître en France. Ils apportent des succès assez réguliers. Ils sont pénibles pour le doigt de l'opérateur, et entre nos mains, ne nous ont pas donné des résultats aussi rapides et aussi fréquents que la technique que nous avons mise au point.
-La manipulation coccygienne ostéopathique, reprise par Mennell, consiste à saisir le coccyx entre pouce et index et à mobiliser l'articulation sacro-coccygienne, selon des mouvements de flexion, de rotation, afin de restaurer sa mobilité ! C'est la manoeuvre que nous avons utilisée au début de notre pratique avec des succès certains mais restreints. Cette manoeuvre dans la pratique ostéopathique est pratiquement toujours associée à des manipulations lombo-sacrées ou sacro-iliaques.
-Renoult considère la coccygodynie comme le résultat d'un "blocage sacro-iliaque en sacrum postérieur" (en contre nutation ), la traite par manipulation sacro-iliaque. Sans revenir sur le problème controversé de la réalité de ces « blocages » sacro-iliaques, et surtout sur la validité des signes proposés pour leur diagnostic, cette conception entraîne un traitement par manipulations qui tendent à faire faire à l'aile iliaque, une rotation postérieure. Ces manipulations entraînent le soulagement de certaines coccygodynies mais les résultats sont très irréguliers.
-Technique originale proposée par R. Maigne en 1960 : Le malade étant couché sur le ventre, le médecin introduit son index droit dans le rectum la face palmaire du doigt est plaquée contre la partie inférieure de la face antérieure du sacrum (fig. 2). Il ne faut pas tirer fortement sur le coccyx, mais maintenir celui ci en hyperextension. Le médecin prend alors appui avec le "talon" de la main gauche sur la partie haute de la face postérieure du sacrum, et fait progressivement et fortement pression sur celui ci. Il maintient cette pression pendant 20 à 30 secondes, tandis que l'index droit maintient toujours le coccyx en hyper­extension. Sans jamais tirer à lui, l'opérateur à un moment donné, a l'impression d'un brusque relâchement qui est sans doute celui des releveurs. La manoeuvre est terminée. L'appui sur la pointe du coccyx n'est plus, ou est beaucoup moins, douloureux. Le malade peut alors s'asseoir sans gêne. Il est parfois nécessaire de recommencer deux ou trois fois à quelques jours d'intervalle pour obtenir un résultat durable.

Coccygectomie: efficace dans 90% des cas si l'instabilité est nette radiologiquement et sur les épines, de préférence après effet temporairement bon d'une infiltration, à éviter dans AT. Se complique d'une infection, malgré les précautions et une antibiothérapie systématique, dans 10% des cas, fréquence divisée par 10 par l'application d'une colle chirurgicale sur la cicatrice (Doursounian, 2007)


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