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La douleur Mise à jour 8/09

Pourquoi votre douleur est-elle si forte?

1ère situation: Vous avez été renversé à l'instant par un autobus. Douleur forte mais "logique": elle vous signale ce que vous n'avez pas intérêt à bouger.
2ème situation, vous concernera mieux si vous êtes devant l'ordi: Une douleur qui dure depuis un certain temps et devient insupportable.
Faites tout ce qui est nécessaire pour en découvrir l'origine.
Mais si vous avez déjà empilé en vain beaucoup d'examens...

Le seuil de la douleur altéré est un mécanisme purement neurologique. Pas de lien avec la cause de la douleur. On ne s'habitue pas à la douleur. C'est le contraire: Les mécanismes naturels qui la rendent supportable (sécrétion d'endorphine, action des neurones inhibiteurs des voies de la douleur) finissent par s'épuiser. Le ressenti douloureux s'amplifie au fil du temps alors que la cause initiale est stationnaire, voire déjà améliorée.

Une analogie calédonienne: Le métropolitain fraîchement débarqué trouve le lagon calédonien chaud en hiver, mais ne s'y baigne plus deux ans plus tard parce qu'il est devenu glacé. Déplacement de l'échelle de base des sensations.

Le douloureux chronique devient anormalement sensible à sa douleur, ainsi qu'aux autres maux plus bénins, qu'il aurait ignoré autrement. Irritabilité croissante.

Les solutions

Techniques de contre-stimulation:

Elles visent à stimuler les nerfs qui inhibent la douleur au niveau de la moelle épinière et du cerveau. Beaucoup de techniques existent:
-pratiquées généralement par des médecins: acupuncture, mésothérapie
-pratiquées par les kinésithérapeutes: électrothérapie, ionisations, cryothérapie
-pratiquées partout: reboutement, "tirage des nerfs", massages, brûlures et scarifications dans les médecines traditionnelles.

L'inconvénient de ces techniques est d'être peu efficaces si elles sont trop gentilles ou brèves. En gros il faut traiter le mal par le mal. Ou plus exactement il faut indiquer au nerf une bonne raison de râler!
Les techniques utilisent les aiguilles (mésothérapie, infiltration, acupuncture), l'électricité, le froid, les pressions et étirements (méthodes manuelles). La durée de la stimulation est assurée par la longueur de la séance, ou l'injection d'un produit d'effet persistant (un simple anesthésique, voire de l'eau peut suffire).
Les contre-stimulations les plus efficaces sont celles qui concernent tous les types de sensibilités de la peau. La température, le toucher léger, la pression, l'étirement, sont captées par des récepteurs différents. Il existe des zones privilégiées, très riches en terminaisons nerveuses, connues depuis l'antiquité (points d'acupuncture). L'association des techniques est souvent plus efficace.
Il n'est pas obligatoire qu'elles soient douloureuses, mais la douleur ne doit pas être un obstacle: Elle est inadaptée et c'est son réglage que l'on recherche.

Après cette "mise au point", le nerf ne vous fera plus souffrir pour quantité négligeable. C'est d'ailleurs la limite de ces traitements: Ils peuvent être spectaculaires sur des douleurs "cicatricielles", quand la lésion est quasi-guérie ou du moins stabilisée. Si la lésion est toujours active, le nerf toujours coincé, l'effet sera modeste ou temporaire. Il faut reprendre le diagnostic.

Les psychothérapies:

Relaxation/hypnose
Le stress accentue le ressenti de la douleur. Relaxation et auto-hypnose peuvent l'améliorer considérablement. Pas abordable par tous et demande une période d'entraînement.

Psychanalyse
Il peut y avoir dans son vécu personnel des causes anciennes de ressenti anormal de la douleur et de la maladie. Une cure? Le traitement ne risque-t-il pas de durer plus longtemps que le problème lui-même? A vous d'en juger plutôt qu'au psychanalyste, qui a des indications plutôt larges: mêmes les bien portants peuvent tirer bénéfice d'une analyse.
Une vraie psychothérapie se discute quand vous passez d'une douleur à l'autre, quand vous n'êtes jamais bien portant, mais qu'on ne trouve rien de réellement catastrophique. D'où a démarré cette "carrière" dans la maladie? Ne vous a-t-on pas un jour inculqué, au cours de votre éducation, que vous seriez un jour une personne à problèmes? Etes-vous encore obligé de suivre ces vieilles consignes? L'expérience des années ne vous a-t-elle pas apporté un brin de liberté? Quels étaient vos autres rêves? Sont-ils toujours inaccessibles?

Techniques comportementales:

Les plus rapides à agir. Utilisées autant par les psychologues, les psychiatres, que dans les écoles du dos et centres anti-douleur. C'est l'apprentissage de comportements défensifs vis à vis de la douleur, qui la maîtrisent sans vous confiner dans l'inactivité. Les comportements physiques et psychologiques sont complémentaires, voire indissociables.
Signalons que la meilleure technique comportementale est que votre emploi du temps ne vous laisse pas le choix. Aucun moment pour penser à votre douleur? Vous ne la ressentirez pas. Attention, je parle de gens très occupés par des tâches intéressantes, pas de gens stressés par des tâches répétitives et des contraintes de productivité.
Les sédentaires ressentent davantage leurs douleurs que les physiquement actifs. Les seconds reçoivent pléthore d'autres signaux nerveux qui noient la douleur, tandis qu'elle est un phare brillant dans le système nerveux des sédentaires.
Le traitement de la douleur au niveau central est également essentiel. La douleur, c'est bien "dans la tête". Ailleurs ce n'est que du câblage. L'anxieux focalise son attention sur la douleur, la majore par d'autres craintes autour. "Mais qu'est-ce que ça cache?". L'intérieur du crâne ressemble rapidement à une cocotte-minute. Mais cette belle énergie reste cloisonnée là. A la périphérie, contractures, appréhensions, conduites d'évitements, empêchent la normalisation du problème articulaire d'où est partie cette douleur chronique. Cercle vicieux interminable. Effet pervers de la médiatisation des maladies qui jette de forts soupçons sur tout déraillement bénin de sa propre carcasse.
Votre bon sens est meilleur conseiller que certains médecins. Lui est en connexion directe avec vos capteurs!

Important: Dans tous les cas, ne vous reposez pas que sur les techniques anti-douleur, dont l'effet risque de s'épuiser comme celui des médicaments. Profitez de ce gain de tranquillité pour mettre en place des exercices physiques de fond. C'est la stimulation quotidienne de vos nerfs par des sensations "logiques" qui gardera votre seuil de la douleur à un niveau normal.

Pour des centres d'accueil de la douleur

L'essentiel:
-La douleur chronique, une affaire de réglage?
-Les centres anti-douleur. La promesse de ne plus souffrir.
-Mais sans diablotin, comment identifier le Ciel?
-Le piège des antalgiques continus.
-Le prescripteur s'effacera-t-il devant l'éducateur?

Précisons ce qu'est la douleur chronique:
Ce n'est pas la douleur récidivante, de la lésion qui guérit mais se reproduit parce que nouvel accident ou persistance du contexte qui l'a créée.
Ce n'est pas la douleur insuffisamment diagnostiquée, qui traîne parce qu'elle est identifiée trop vaguement ou à tort (1).
C'est une douleur cicatricielle, qui n'est plus liée à une lésion active, et dont l'intensité est corrélée à un dérèglement du système nerveux.

Une douleur de lésion peut durer
parce que la cicatrisation est longue
parce que l'on focalise dessus, à cause du confinement au domicile, de problèmes personnels ou professionnels, en relation ou non... mais la douleur est un ennemi plus facile à identifier...
parce qu'elle ne revient pas à zéro, à cause de l'âge ou de cicatrices précédentes,
parce que l'inactivité physique et intellectuelle crée ses propres dérèglements.

Les mécanismes normaux d'inhibition de la douleur finissent alors par s'épuiser.
Les sensations normales sont remplacées par le signal douloureux.
L'aiguille de réglage de votre système nerveux est nettement déplacée de "plaisir" vers "douleur". Toute aggravation de la douleur l'amène à des degrés carrément insupportables, tandis que le plaisir perd de sa séduction et devient juste une absence de douleur.

Vous évitez les deux, plaisir devenu banal, et douleur rédhibitoire, pour mener une vie d'une pénibilité uniforme.

Les antalgiques, généralement donnés en continu, aggravent les choses.
Vous vous y habituez, car dans la douleur chronique il n'y a guère de nociception (douleur de lésion) sur laquelle ils puissent agir.
Ils gomment les douleurs "normales" des efforts et des nouvelles lésions, et vous n'y adaptez plus vos gestes et votre conduite quotidienne.

Une annonce catastrophique, dans les années 90, a été la promesse de ne plus souffrir.
Techniquement il y a eu confusion entre la douleur aiguë, prévisible, et les douleurs chroniques, toujours inaccessibles à la médecine tant qu'on ne sait pas recabler le cerveau.
Mais surtout philosophiquement, on a ôté tout intérêt à la souffrance. Comment apprécier la santé quand on ne connaît pas d'autres états? Peu nombreux sont ceux capables de fantasmer la souffrance pour tirer de grands plaisirs du reste. Les autres ont vite comblé le vide: ils ont recréé "l'extrême" du déplaisir en se préoccupant de souffrances auparavant bien moins signifiantes, de façon à pouvoir encore s'émerveiller de la bonne santé.

Les centres anti-douleurs n'ont pas seulement répondu à un besoin: ils l'ont créé, en quantité supérieure. Supporte-t-on mieux la douleur au bout du compte? Y a-t-il moins de "mal-portants"? La seule certitude est qu'il y a davantage de traités. Peut-on encore échapper au système (repeigneur) de santé?

La solution, vous l'avez compris, est de retrouver une gamme de sensations "logiques" en allant plus souvent vers le plaisir, que vous devez tenter de faire redevenir plus intense (que vous interdisez-vous et vos motivations sont-elles claires?), et accepter des douleurs plus sévères quand elles ont une cause "normale", c'est-à-dire liées à un effort non traumatisant, à une peine compréhensible (difficultés avec vos proches, décès...). La douleur est, par malheur, l'une des marches les plus solides pour se reconstruire. Eternelle histoire de la carotte qui ne suffit pas à se passer du bâton. Ceux qui se tirent le mieux vers le plaisir et le bonheur sont ceux qui réussissent à mentaliser leur "bâton", pour l'avoir subi et s'en souvenir, sans besoin de le ressortir.

Les médicaments utilisés dans les centres anti-douleur sont de 2 types:
1) Les psychotropes, destinés à modifier vos réglages nerveux, plutôt dans le sens de les ralentir... A privilégier si tout cela vous semble bien difficile et si vous préférez que le temps passe plus vite. La classique "cure de sommeil" est peut-être préférable quand son intérêt est bien compris: On vous place 10 à 15 jours en clinique sous perfusion de psychotropes puissants pour une coupure assez radicale de votre conscience et une remise à zéro de votre système nerveux. Pas anodin. Peut-être votre conscience a-t-elle besoin d'être affaiblie, que l'inconscient s'exprime...? Ce doit être proposé, jamais conseillé. Et toujours intégré à un projet de traitement: C'est une préparation, pas une solution miracle.

2) Les antalgiques, parfois majeurs. Evitez le grand piège du traitement continu. Vous pouvez utiliser des morphiniques, mais seulement pour répondre à des douleurs précises, "normales" parce que déclenchées par un surcroît d'activité ou un vrai traumatisme, et vous préférerez les anxiolytiques pour les surcroîts de "tensions".
Le danger des morphiniques est la prise systématique, parce que "l'on a droit" à ses 2 ou 3 comprimés par jour... Si vous êtes en train de vous faire piéger, cherchez des plaisirs ailleurs.

Il m'est arrivé de voir des douloureux magnifiques "de carrière" (3), qui conservent la même souffrance affichée alors qu'ils vont réellement mieux. Ne serait-il pas préférable qu'ils abandonnent ce tableau impressionnant avant que la peinture de s'en écaille, qu'il devienne terne et sombre, conforme à la prédiction de ceux qui ne pensaient pas que vous pourriez en sortir, et ont fini par abandonner votre théâtre? Allez-vous rater votre plus belle victoire qui sera de les faire mentir? Résiliez ce vieux spectacle pour monter celui de votre prochain rêve...

Commentaires:
Q: Mais alors vous ne donnez plus d'antalgiques, espèce de nazi ??

R: Le patient, devant le médecin, est dans une demande d'information, et plutôt nettement dans une demande de réassurance face à ses inquiétudes.
Selon sa capacité à traiter les informations en détail (ou plutôt sa vision de cette capacité), son souhait de participer aux décisions va de 0 à 100%.
Un même médecin étant rarement aussi à l'aise dans ces missions très différentes, il est généralement gardé par le patient selon son profil à abandonner ou conserver de pied ferme le pouvoir de décision.

Personnellement je ne suis pas très bon pour décider à la place des autres.
Je fais pour le patient ce que je voudrais que l'on fasse pour moi. Je lui demande ce qu'il veut, après l'avoir informé au mieux. Je ne dis pas "les antalgiques ne servent à rien", j'explique d'abord la douleur, ses causes et son rôle. Je demande ensuite au patient ce qu'il veut.

Le médecin devrait être un éducateur avant d'être prescripteur. Aucun médicament n'est mieux pris que quand le patient a décidé de lui-même qu'il lui serait utile. Les bénéfices en sont additionnés d'un effet placebo d'autant meilleur et éthiquement satisfaisant que c'est le patient lui-même qui en est à l'origine, pas le médecin qui tente d'enluminer de couleurs gaies l'emballage de sa pilule DDD (2)...

Le rôle d'éducateur est doublement intéressant: le médecin s'enseigne à lui-même, et peut se corriger puisqu'il est élève du même niveau !
Malheureusement le médecin n'est pas rémunéré pour être éducateur. Il l'est mieux pour prendre des clichés plus intimes de ses patients pas assez cliniquement expressifs, et il se fait mieux flatter quand il ajoute de nombreux ingrédients au cocktail de l'ordonnance.

Il répond trop souvent par un antalgique à une anxiété. Le médecin a certes beaucoup amélioré son expertise technique, mais ce sont dorénavant les seuls guides qu'il peut brandir avec un tant soit peu d'assurance, dans cette médecine du risque et du doute, tandis que Dieu s'est éteint, la Lune a perdu son mystère, la marée spirituelle a reflué et laisse à sec les grands problèmes existentiels de notre société.

Peut-être pourrait-on reparler, dans des centres d'accueil de la douleur, de ce qui est exclu dans l'anti-douleur?

***

(1) Cet article concerne une faible minorité de personnes douloureuses jeunes, chez lesquelles la vraie douleur chronique est rare, et l'insuffisance diagnostique fréquente. Les personnes de plus de 50 ans sont plus souvent concernées. Mais comme l'objectif n'est pas de vérifier la cause de votre douleur, vérifiez que vous avez suffisamment insisté sur cette étape indispensable, en consultant les spécialistes concernés.

(2) DDD Daube De Dope, une recette industrielle favorite

(3) Ceux-là me pardonneront cette "fourniture" de douleur morale qu'ils n'ont pas demandé.


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