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Goutte en détail Mise à jour: 10/09

Les secrets du traitement de la crise:

Les anti-inflammatoires et la colchicine sont efficaces. Une infiltration est plus puissante et plus rapide. Elle est souvent nécessaire quand la crise est très "allumée", c'est-à-dire que le gonflement est devenu important. Les crises sont également plus longues et plus difficiles à couper avec des comprimés chez le goutteux dont les premiers accès remontent à bon nombre d'années et qui n'a pas de traitement de fond: les dépôts tissulaires sont plus importants, de même que le nombre de cristaux libérés lors de la crise, et l'inflammation a plus de mal à les "nettoyer" (rappelons que l'inflammation n'est pas qu'une douleur pénible, c'est aussi le processus éboueur et réparateur de notre organisme).
Pour éviter d'en arriver à une infiltration, il faut prendre ses comprimés de colchicine très tôt, dès les "prodromes", c'est-à-dire les signes annonciateurs de la crise: le pied vous démange sans raison, vous avez déjà fait de la goutte, vous avez fait un excès sur les aliments déconseillés? Précipitez-vous sur votre boîte de colchicine et prenez 1 cp, à répéter 1 ou 2 fois supplémentaires dans la journée si le début d'irritation persiste. Vous pouvez associer ou remplacer par un anti-inflammatoire si la colchicine n'est habituellement pas assez efficace pour vous. Vous pouvez même, ce n'est pas excessif, prendre 1/2 ou 1 cp si vous savez avoir fait un abus important dans le feu d'une soirée arrosée ou d'une fête familiale, sans attendre que la crise apparaisse.
Car quand la crise est bien installée, les comprimés peinent à en venir à bout, et ne sont pas toujours très bien tolérés sur plusieurs jours. Ne traînez pas avec un handicap sévère: l'infiltration est toujours efficace (si c'est bien une crise de goutte...).
En pratique, ayez toujours quelques comprimés d'avance dans le portefeuille.

Les médicaments de la crise:
-Colchimax®: association de colchicine et d'un barbiturique réduisant le risque de diarrhée (quasi systématique avec plusieurs comprimés dans une même journée). En accompagnement d'un traitement de fond par contre, qui ne demande qu'un seul comprimé par jour, préférez la colchicine seule, pas la peine de prendre un médicament supplémentaire quand il n'est pas nécessaire.
Si vous supportez mal la colchicine (troubles digestifs), coupez les comprimés en 2: vous tolérerez mieux 3 fois 1/2 cp par jour qu'un comprimé entier à la fois.
-Les anti-inflammatoires: tous sont efficaces, mais préférez ceux d'action rapide et réputés pour leur effet antalgique: kétoprofène (Profénid®), diclofénac (Voltarène®), naproxène (Apranax 550®). Attention! Ils ne sont pas les plus sympa pour l'estomac -> protection anti-acide systématique si vous êtes susceptible (mais on est toujours surpris de voir le peu d'effets secondaires des médicaments sur ceux qui en ont réellement besoin).

Les médicaments de fond (pour médecins):
3 modes d'action:
-bloquer la formation de l'acide urique: allopurinol, febuxostat
-augmenter l'excrétion urinaire d'acide urique (uricosuriques): benzbromarone, probénécide
-détruire l'acide urique avec une uricase normale.

Les uricosuriques ne sont plus utilisés en France:
Le benzbromarone (Desuric®) a été retiré du marché en 2003 pour des cas d'hépatites fatales, reste disponible sur demande particulière (ATU).
Le probénécide n'est plus disponible. Peu populaire car moins efficace et plus mal toléré -> arrêt de commercialisation.

L'allopurinol (Zyloric®) est à ce jour le seul traitement de fond en pratique courante.
Il est efficace mais son usage est limité par les effets secondaires possibles et surtout les déconvenues des patients en début de traitement (Cf histoire naturelle).
Du coup les médecins l'utilisent souvent de façon hésitante et sans viser une dose efficace, qui impose d'abaisser l'uricémie à moins de 60mg/l, quitte à augmenter l'allopurinol dont la posologie maximale, du moins en cancérologie, est 10mg/kg/j.

Effets indésirables de l'allopurinol:
-digestifs surtout: épigastralgies, nausées, diarrhées... oblige rarement à l'arrêt, moins de problèmes en le prenant après le repas
-éruptions cutanées: rares mais parfois graves. Toutes éruptions possibles de la simple démangeaison à l'exceptionnel décollement cutané étendu.
-d'autres troubles sont très rares, migraine, vertige, engourdissement des membres, chute de cheveux, aphtes. Je les signale mais n'y attachez pas une grande importance car vous savez que cela peut les créer...
-syndrome d'hypersensibilité généralisée: réaction dite "immuno-allergique", exceptionnelle mais sévère,fièvre AEG éruption polyadénopathie, atteinte hépatique et rénale hyperéosinophilie. Rare mais peut être fatal.
Rare: lymphadénopathie angio-immunoblastique réversible, hépatite, neuropathie périphérique, vertige, céphalée, gynécomastie
Exceptionnel: fièvre, stomatite, alopécie, cytopénie -> aplasie, choc anaphylactique (en général le médicament a déjà été pris)

Un nouveau médicament vient d'obtenir son autorisation de mise sur le marché français (2008) et va arriver prochainement dans les pharmacies: Le febuxostat (Adenuric®)
C'est un inhibiteur de la xanthine-oxydase (enzyme-clé de la production d'acide urique) comme l'allopurinol mais beaucoup plus sélectif -> des doses moins élevées permettent d'obtenir une uricémie plus abaissée (1).
Son action est rapide -> contrôle de l'uricémie possible au bout de 2 semaines. Une prévention des crises de gouttes est nécessaire pendant 6 mois minimum, comme pour l'allopurinol. Son métabolisme primaire est hépatique -> pas d'adaptation en cas d'insuffisance rénale, ajustement seulement si insuffisance hépatique sévère.

Rasburicase:
La goutte est une mutation de l'uricase -> si on donnait la bonne?
L'uricase oxyde l'acide urique en allantoïne, 5 à 10 fois plus soluble -> rapidement excrétée par les reins.
Une 1ère uricase native a été purifiée à partir d'Aspergillus flavus. Très antigénique, elle provoquait fréquemment un choc anaphylactique en administrations répétées et a été abandonnée.
Remplacée par la rasburicase (Fasturtec®), extraite de Saccharomyces cerevisiae, moins allergisante, contre-indiquée en cas de déficit en G6PD (hémolyse et méthémoglobinémie).
L'indication officielle n'est pas la goutte mais le syndrome de lyse tumorale (leucémie aiguë et lymphomes malins non hodgkiniens à charge tumorale élevée traités par chimiothérapie) et l'on pratique en général 1 seul cycle de traitement (rasburicase 0,20 mg/kg/j x 5 jours perf IV).
Le Fasturtec n'est pas recommandé dans la goutte à cause de son coût extrêmement élevé, de l'absence de schéma de traitement scientifiquement validé, et du risque allergique potentiellement très grave. Il faudrait en outre, le goutteux ayant une hyperuricémie permanente, faire un traitement continu, ce qui multiplierait les risques et rendrait le coût insupportable.
Néanmoins, c'est pour cela que le médicament est cité, une goutte très sévère avec contre-indication ou réponse insuffisante aux autres traitements de fond pourait bénéficier d'un "nettoyage" initial des dépôts uratiques. Exemple de schéma: perf bimensuelle x 6 mois, puis mensuelle x 3 ans.

Dans le traitement de fond, ne pas oublier:
-La fréquence de la goutte sur diurétiques (femmes++) -> changer ce traitement si possible.
-Une hypertension artérielle associée incite à utiliser le losartan. Une dyslipidémie associée incite à utiliser le fénofibrate: Les 2 ont un faible effet uricosurique.

Faut-il prendre un traitement de fond en cas d'hyperuricémie non compliquée?

Vous dépassez 60mg/l (femme) ou 70mg/l (homme) mais n'avez jamais eu la moindre crise de goutte ni une seule colique néphrétique. Est-ce bien nécessaire de prendre un traitement, qui logiquement, est à vie?

C'est une question devenue épineuse depuis que l'on sait que l'hyperuricémie est un facteur de risque vasculaire pour certaines personnes, mais qu'elle a peut-être aussi des effets intéressants (Cf effet anti-oxydant ci-dessous), que les traitements ont comme toujours leurs propres risques potentiels, et que la majorité des gens avec une hyperuricémie modérée ne se plaint de rien.

Retenons 4 situations où le traitement de fond semble préférable:

1) Hyperuricémie très importante, > 90mg/l: Les dépôts sont inévitables -> évolution vers une goutte tophacée. Les tophi sont de vilaines boules qui empêchent de se chausser correctement et peuvent s'ulcérer. Leur ablation chirurgicale expose aux difficultés de cicatrisation et aux infections.
2) Vous avez d'autres facteurs de risque vasculaires: hypertension, surpoids, hypercholestérolémie, diabète: L'hyperuricémie est une raison supplémentaire de maigrir, mais si votre hygiène de vie reste mal contrôlée, mieux vaut traiter votre hyperuricémie. Une pilule de plus...
3) Crises articulaires fréquentes: Même si la goutte occasionnelle ne laisse aucune séquelle sur les articulations, les formes plus sévères finissent par créer une pseudo polyarthrite goutteuse avec des encoches osseuses (correspondant à des tophi dans l'os). Les crises elles-mêmes ne sont pas très marrantes. Mais un régime bien surveillé en viendra à bout. C'est donc plutôt en fait le niveau de votre hyperuricémie qui devrait décider du traitement.
4) Coliques néphrétiques répétées: de la même façon, ces crises sont normalement contrôlées par un régime et des boissons adaptées. Mais vos reins se sont fait déjà amocher par les crises précédentes ou une hypertension associée... mieux vaut traiter.

Pouvez-vous m'en dire plus sur l'intérêt du régime?

Le régime seul abaisse peu l'uricémie dont l'élévation est, rappelons-le, avant tout génétique. Bien sûr, si vous êtes un gros consommateur de viandes, vous allez gagner davantage que d'autres sur le régime.
Mais le contrôle de votre alimentation est surtout une excellente prévention des crises: Celles-ci étant déclenchées par les variations de l'uricémie davantage que par son élévation absolue, vous pouvez vivre sans aucun symptôme avec une hyperuricémie importante, pourvu que vous consommiez quotidiennement une quantité identique de précurseurs de l'acide urique, essentiellement les protéines animales.
Menu stable donc, et ne touchez à des aliments inhabituels qu'en petites portions.

A savoir dans la goutte

Les atteintes rachidiennes
sont largement méconnues: une crise goutteuse lombaire prend en effet l'allure d'un lumbago aigu et la goutte peut être méconnue si la patient n'a eu que quelques rares accès, et aucun depuis longtemps. Le diagnostic est facile sur l'intensité de la douleur, l'absence d'effort traumatisant, la présence parfois d'un peu de fièvre (possible dans toutes les crises goutteuses sévères), et une inflammation sanguine importante (dosage vitesse de sédimentation et protéine C-réactive).
Dans une enquête rétrospective sur les scanners de colonne de 64 goutteux, 14% avaient des signes d'atteinte goutteuse de la colonne. C'est essentiellement une atteinte lombaire, rarement dorsale et exceptionnellement cervicale.

Une protection neurologique de la goutte?
Enfin, une question déstabilisante: Y aurait-il un intérêt à être goutteux?
L'acide urique est en effet un anti-oxydant, c'est-à-dire un protecteur cellulaire potentiel, et on s'est demandé en particulier s'il pouvait avoir cet effet protecteur sur les neurones, dont le vieillissement nous cause de sérieux problèmes. Plusieurs études étaient en faveur d'une réduction de fréquence de maladie de Parkinson chez les goutteux. Cela a été confirmé dans une grande cohorte canadienne: parmi plus de 4 millions d'habitants de Colombie britannique, les dossiers de 11.258 goutteux ont été analysés et comparés à 59.199 témoins: les goutteux ont 30% de chances en moins de faire une maladie de Parkinson.


(1) Etude Becker 09: 299 patients à 80mg/j de febuxostat, 291 avec 120mg/j et 145 par 300mg/j d’allopurinol. Objectif: uricémie entre 30 et 60mg/l. Dose de febuxostat insuffisante -> augmentée. Allopurinol insuffisant -> changement pour febuxostat. Age moyen 51 ans, patients en général obèses. Uricémie moyenne 98mg/l (au moins > 80mg/l). Surveillance -> 3 ans.
Résultats: Après 1 mois, 80% des febuxostat et 46% des allopurinol étaient <60mg/l. Bon maintien du résultat -> quasi disparition des crises de goutte (fréquence augmentée en début de traitement). Disparition des tophi: 46% des febuxostat 80mg/j, 36% des 120mg/j et 29% des allopurinol. Effets secondaires comparables avec les deux médicaments.


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