Comprendre :
L' arthrose
est une détérioration des articulations par le vieillissement,
qui a plusieurs visages et plusieurs causes possibles. Important : Elle se présente de façon très différente
selon qu'elle concerne les grosses articulations des membres, la colonne
vertébrale, ou les petites articulations des mains. Cette page
concerne l'arthrose des grosses articulations. L'arthrose
vertébrale est à Douleurs
dorsales.
Rappelons les notions anatomiques fondamentales d'une articulation:
-Une articulation comprend 2 extrémités osseuses.
-Chaque extrémité est recouverte de cartilage, couche de
tissu ferme mais élastique.
-L'enveloppe de l'articulation (c'est un espace clos) comprend plusieurs épaisseurs. De l'intérieur vers l'extérieur:
la membrane synoviale, la capsule, les ligaments.
-La membrane synoviale est fine. Elle sécrète la synovie,
un liquide visqueux qui humecte les cartilages et facilite le glissement
articulaire.
-La capsule est plus épaisse. Elle limite l'amplitude de mouvement
dans toutes les directions (une fois vaincue la raideur musculaire et
tendineuse).
-Les ligaments ont aussi ce rôle, mais sont disposés de façon
à renforcer la capsule dans les mouvements les plus contraignants
pour l'articulation.
Le
cartilage :
C'est le "pneu" de l'articulation. C'est une couche mince (quelques
millimètres au plus dans les plus grosses articulations) qui recouvre
les extrémités osseuses. Sa surface est ferme et élastique,
très lisse. Elle est imbibée de synovie, le liquide
articulaire, présent normalement en très petite quantité,
et de consistance filante (comme du blanc d'oeuf). Ainsi lubrifié,
le cartilage glisse plus facilement sur le cartilage adjacent qu'un patin sur la glace ! Il a aussi par son élasticité un
rôle d'amortisseur des pressions et des chocs sur l'articulation.
Dans l'arthrose (amincissement puis disparition du cartilage), les douleurs
viennent en bonne partie de fissures osseuses, l'os encaissant les chocs
en direct.
Les
conditions qui vont favoriser la détérioration articulaire :
-Le surmenage de l'articulation par une activité excessive : cette
cause est largement surestimée. Ce n'est que dans le cadre d'entraînements
sportifs de haut niveau que l'on arrive à dépasser les capacités
d'adaptation articulaire. Voir sport et arthrose.
-Une malformation ne permettant pas un fonctionnement articulaire idéal.
Il s'agit presque toujours de défaut d'axe des os composant l'articulation.
Les contraintes ne sont plus réparties de façon homogène.
Une zone du cartilage se trouve régulièrement soumise à une
pression excessive.
-La capacité de réparation du cartilage est variable selon
l'hérédité de chacun. Voir hérédité et
arthrose.
-Elle diminue avec l'âge. C'est la cause majeure. Les cartilages
sont longtemps capables de s'auto-réparer, même soumis à
des contraintes anormales. Comme pour tous les tissus, cette faculté
diminue avec les années, ce qui fait de l'arthrose la maladie "de
la vieillerie".
-L'arthrose s'auto-entretient : l'usure du cartilage libère de nombreux
débris et des enzymes de dégradation qui agressent mécaniquement
et chimiquement le cartilage restant. Ce phénomène n'est
pas continu. Il a surtout lieu pendant les poussées inflammatoires
de l'arthrose. Voir évolution.
-Les arthrites rhumatismales, si elles sont mal maîtrisées, finissent par provoquer une arthrose par le même
mécanisme : l'inflammation prolongée de l'articulation agresse
chimiquement le cartilage.
Les
lésions
de l'arthrose comprennent :
-L'amincissement du cartilage : il n'est jamais uniforme,
sauf dans les agressions chimiques (arthrites rhumatismales); il
prédomine sur
la zone mécaniquement la plus compressée.
Il passe par plusieurs
stades : ramollissement de la surface du cartilage, abrasion, amincissement,
ulcération.
Comme une réparation est possible, s'enchaînent
un certain nombre de phases ramollissement/amincissement/raffermissement
avant le stade de l'ulcération, qui expliquent les poussées
douloureuses successives de l'arthrose. L'ulcération est le stade
terminal : l'os est à nu.
-La détérioration de l'os sous le cartilage : quand le cartilage s'amincit puis disparaît, l'amortissement des contraintes sur l'os ne se fait
plus correctement. Apparaissent des microfissures de fatigue, responsables
des douleurs électives à l'appui, dont la consolidation
ne se fait pas si l'on continue d'appuyer à cet endroit.
L'os est moins solide en vieillissant et les fissures apparaissent plus facilement. C'est pourquoi une arthrose évoluée peut être bien supportée avant 55 ans et très mal après 65 ans.
-Les ostéophytes, déformations
des rebords de l'os surmené par les contraintes excessives : les cellules osseuses
essayent d'y faire face par un renouvellement plus rapide, comme dans une
fracture (formation d'un "cal" osseux), et cela entraîne une formation d'os neuf assez anarchique :
apparaissent des collerettes et des becs osseux sur les rebords de la
zone surmenée. On les appelle becs de perroquet sur la
colonne vertébrale.
Evolution
de l'arthrose
L'arthrose n'évolue pas de façon uniforme : elle peut
s'aggraver rapidement pendant plusieurs semaines à plusieurs mois,
à un stade où les radios sont presque normales, puis devenir
indolore ou peu douloureuse à d'autres périodes, alors même
que l'articulation est très détériorée sur
les radios.
Cela provient du fait que la poussée d'arthrose traduit
un ramollissement puis d'une destruction de la surface du cartilage, avec
production de débris. Au début, l'épaisseur du cartilage
est conservée et les radios ne montrent pas grand-chose. Mais les
débris et les enzymes de dégradation libérés
sont très irritants pour les enveloppes articulaires, qui fabriquent
une grande quantité de synovie pour diluer et lubrifier. Les lésions
sont entretenues si l'articulation n'est pas mise
dans un repos relatif : le cartilage n'ayant plus sa résistance normale, les
frottements en arrachent de nouveaux lambeaux. La réparation, lente,
ne peut y faire face. La poussée douloureuse se prolonge.
Quand
l'articulation s'est finalement nettoyée et réparée,
le cartilage a retrouvé sa fermeté de surface. Même
s'il est aminci sur les radios, il assure un service normal. Vous pouvez
reprendre vos activités habituelles, en analysant ce qui a pu favoriser cette poussée douloureuse pour en éviter d'autres.
L'évolution se fait ainsi en une succession de poussées
séparées par des intervalles de moins en moins
libres et de plus en plus courts, jusqu'au stade de l'ulcération
cartilagineuse : une zone d'os est à nu et les douleurs ne partent plus complètement. Surviennent encore des poussées
qui correspondent à la destruction du cartilage restant. Puis,
souvent, quand toute la zone portante s'est ulcérée, arrive
une période plus calme : les crises cessent, remplacées par
des douleurs proportionnelles au temps de marche et de station debout.
Une vingtaine d'années peut séparer
vos premières crises de ce stade terminal de l'arthrose, mais c'est parfois beaucoup plus rapide.
Les poussées de l'arthrose ne sont pas toujours très douloureuses,
si bien que certains les négligent et leur arthrose est découverte
à un stade avancé. Ce n'est pas normal de souffrir régulièrement
d'une articulation. Seule la colonne vertébrale est un cas à
part, des douleurs fréquentes pouvant correspondre à de simples dysfonctionnements.
Venez tôt faire le point chez un médecin. Des examens
seront pratiqués et même si les premières radios sont
normales, elles serviront de référence pour la surveillance
ultérieure de cette articulation. Ne jetez jamais de vieilles radios,
sauf si vous en avez de nombreuses du même endroit à des dates rapprochées. Ces radios font partie de vos antécédents
comme les compte-rendus opératoires, les certificats de vaccination,
les listes d'allergies. Ils peuvent rendre de grands services lors d'un
diagnostic futur et doivent toujours vous suivre dans les déménagements. Pour limiter l'encombrement, vous pouvez en faire des photos numériques. C'est toujours plus facile de promener une clé USB chez le médecin qu'un vieux stock de radios...
Arthrose
et hérédité :
Il y a des facteurs génétiques certains qui nous rendent
inégaux devant l'arthrose. Ces facteurs semblent jouer à
plusieurs niveaux : capacité du cartilage à s'auto-réparer,
morphologie des articulations pouvant favoriser l'arthrose (par exemple
genuvalgum = jambes en X, genuvarum = jambes en parenthèses), surpoids.
Mais cette prédisposition génétique n'influencent
qu'une faible partie des chances d'avoir ou d'éviter une arthrose.
Même si on ne peut intervenir dessus, ne vous découragez
donc pas. Une histoire de prothèse dans la famille ? Ne réservez pas déjà votre place en clinique !
Les facteurs d'environnement et d'hygiène de vie sont très importants. En clair c'est surtout ce que vous faites au quotidien
avec votre articulation qui va décider de son avenir. Perdez du poids,
pratiquez des sports de loisir, évitez le piétinement... Tout le comportement à suivre pour éviter l'arthrose
Arthrose
et sport :
Le sport d'intensité raisonnable n'est pas considéré
comme une cause d'arthrose. Il existe plus fréquemment des modifications radiologiques
des articulations chez les sportifs (ostéophytes
= collerettes et becs osseux déformant les rebords des articulations)
mais l'épaisseur du cartilage n'est pas modifiée. Dans notre
expérience, il semble plutôt que ce soit l'arrêt du
sport qui puisse entraîner une arthrose rapide, comme si la disparition
des contraintes brèves mais sévères induites par
le sport n'incitait plus le cartilage à s'autoréparer**.
Le sportif accuse alors à tort le sport qu'il a pu faire jeune
alors que le vrai responsable est en fait la décennie d'inactivité récente.
Par ailleurs, quand une arthrose est apparue, les sportifs tolèrent
mieux leur arthrose que les sédentaires. En l'absence de crise
douloureuse sévère bien sûr. Ce qu'il faut retenir : une articulation portante (hanche, genou, cheville)
ne doit pas être sous pression en permanence. Economisez donc la
station debout inutile (piétinement). Par contre l'activité physique de loisir
dérouille l'articulation, entretient votre musculature, et stimule
la réparation de votre cartilage. Préférez les activités
en décharge comme la natation ou la gym au sol. Mais le 1er critère
pour choisir un sport d'entretien reste que ça vous plaise ! Sinon bien des bonnes résolutions finissent au placard. Le 2ème
critère est que vous soyez à l'aise pour faire l'exercice (vous
avez déjà pratiqué).
Traitements
de fond classiques de l'arthrose :
Nous ne ferons pas ici un "banc d'essai" des différentes
molécules utilisées. Elles sont réputées
pour leur très bonne tolérance, mais pas pour leur efficacité
mirobolante. S'il existait un anti-arthrosique très efficace,
vous le sauriez depuis longtemps par les gros titres de la presse ! Le
bénéfice
qu'ils peuvent vous apporter est très retardé. Rien à voir
avec l'effet rapide d'un anti-inflammatoire.
Les produits actuels ont tous un dossier scientifique les accréditant
d'un bénéfice supérieur à un placebo : réduction
de la consommation de calmants et d'anti-inflammatoires, amélioration
d'échelles de mesure de la douleur et de la fonction articulaire...
Certains se targuent même de réduire l'amincissement du cartilage,
ce qui en feraient de véritables "chondro-protecteurs",
c'est-à-dire d'authentiques conservateurs du cartilage. Mais il
y a plusieurs bémols :
-Le bénéfice est très modeste. On a l'impression
d'être au stade des premiers traitements de l'ostéoporose
d'il y a une quinzaine d'années, où les médicaments
obtenaient des bénéfices très limités, excepté
l'hormonothérapie de la ménopause. Souhaitons que les traitements
de fond du cartilage progressent aussi nettement que ceux de l'os.
-Les études favorables à ces produits sont critiquables
sur 3 points essentiels : les effectifs de personnes traitées ne
sont pas très importants; le recul pour apprécier les résultats
est de quelques années, ce qui est peu pour une maladie lente et
cyclique comme l'arthrose; enfin, les études faites à
l'instigation des laboratoires qui fabriquent les produits testés sont les plus favorables et "noient" les autres, indépendantes, plus souvent négatives.
-Il faut prendre les pilules quotidiennement, plusieurs fois par jour
pour certains produits, à un âge où vous n'avez pas
forcément des traitements permanents. Sur plusieurs années
minimum, c'est une contrainte non négligeable pour un traitement
qui n'a pas l'efficacité ou le caractère obligatoire d'un
médicament pour la tension ou le diabète. En conclusion, les anti-arthrosiques de fond peuvent avoir un effet intéressant
sur vous, mais il est difficile de s'en rendre compte. Il ont l'avantage
d'être très bien tolérés. Si effectivement
au bout de 2 à 3 mois vous constatez avoir réduit votre
consommation d'antalgiques ou d'anti-inflammatoires, c'est une justification
suffisante pour les continuer.
D'autres mesures, comme corriger un surpoids, sont plus
efficaces que les médicaments dans l'arthrose des membres inférieurs. Pourquoi se ruiner pour des pilules à faire
du jeune,
quand c’est plus efficace et qu’on s’enrichit
à faire du jeûn ?
Film d'une injection de hyaluronate, vue en arthroscopie
(arrivée à l'intérieur de l'articulation).
*Lavage
articulaire:
Le lavage du genou est proposé dans l'arthrose en poussée
inflammatoire prolongée : le genou reste gonflé par un épanchement
abondant malgré les traitements anti-inflammatoires, les ponctions
et les infiltrations de cortisone. Cette situation correspond à
une dégradation rapide du cartilage: le liquide est chargé
en débris cartilagineux, enzymes et microcristaux, un mélange
très irritant pour l'articulation, qui entretient son inflammation.
Le lavage nettoie tout cela. 1 litre de sérum salé est injecté
par une aiguille d'un côté du genou, une autre vide l'articulation
à l'opposé. Un repos strict est conseillé : mise en décharge
pendant 6 semaines avec 2 cannes anglaises.
Le lavage n'est pas très pratique à réaliser au
cabinet d'un rhumatologue : conditions d'asepsie strictes, place et surtout
temps nécessaire (30 à 45mn) font que ce geste est surtout
pratiqué à l'hôpital.
L'arthroscopie réalise
la même chose, en ayant l'avantage de faire un bilan
précis des dégâts et de traiter éventuellement
des lésions méniscales associées, mais c'est un geste plus lourd (anesthésie générale proposée).
*Les
cultures de cartilage vont-elles sauver votre arthrose ?
Technique prometteuse, encore en cours d'évaluation.
Prélèvement de cellules cartilagineuses en zone saine, culture et réimplantation
par arthroscopie sur le site de la lésion
cartilagineuse. Taux de succès de 80%, mais attention !
Ce n'est pas réellement un traitement de l'arthrose, mais des lésions
traumatiques du cartilage chez des sportifs. Tous les patients ont
moins de 50 ans et les lésions
du cartilage sont localisées. Ce n'est pas pour
l'instant une alternative à l'arthrose
avancée ou diffuse pour laquelle on vous propose une prothèse.
Habitudes
de traitement de l'arthrose en France :
Une étude de 2001 sur environ 10.000 personnes âgées
en moyenne de 66 ans a montré que les médecins utilisent:
- antalgiques 94 % des gens en ont reçu dans l'année
- anti-arthrosiques de fond 90 %
- anti-inflammatoires en comprimés 78%
- anti-inflammatoires en gel ou pommade 60%
- infiltration de cortisone 20%
- mésothérapie 14%
- acupuncture 7%
- phytothérapie 5%
- homéopathie 4%
- infiltration de hyaluronate 2%
On ne peut guère en tirer de recommandation pratique : le degré
de satisfaction des personnes traitées par chaque méthode
n'est pas évalué. L'infiltration de hyaluronate reste confidentielle
parce que plus onéreuse et pratiquée presque exclusivement
par les rhumatologues, qui représentent moins de 10% des consultants
interrogés dans cette étude. Tout au plus peut-on remarquer
que la large utilisation des anti-arthrosiques de fond ne semble pas avoir
changé le paysage de l'arthrose.