
Schéma genou normal et arthrosique
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Comment éviter une opération?
Opération? Nous parlons de la prothèse et non de l'arthroscopie,
acte très peu agressif qui s'adresse aux lésions méniscales,
et qu'il ne faut pas hésiter à subir quand les examens
démontrent des altérations instables du ménisque:
Non traitées, elles peuvent favoriser des dégâts
sur les cartilages adjacents -> arthrose.
Nous parlons de la prothèse totale et de l'ostéotomie,
aux suites bien plus pénibles, à la durée d'efficacité limitée,
exposant aux réinterventions difficiles.
Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas le
stade tardif de l'arthrose qui rend la prothèse incontournable.
Il existe des genoux au cartilage complètement usé... que
leurs propriétaires n'ont pas envie de remplacer. D'autres ne
semblent pas si fatigués au chirurgien, qui conseille d'attendre,
alors que le patient est suffisamment lassé des douleurs pour
réclamer l'intervention.
Alors? Comment expliquer ces différences? Comment prendre la bonne
décision?
2 circonstances principales poussent à se faire opérer:
1) Une période dite "de
chondrolyse rapide"
Vous êtes encore jeune: 45 à 60 ans.
Votre cartilage est en train de se délabrer à grande vitesse:
fissures profondes, effet abrasif des nombreux débris, enzymes
de l'inflammation agressant le cartilage intact -> le genou reste
enflé et douloureux pendant des semaines ou des mois.
C'est une arthrose à visage d'arthrite chronique.
La membrane synoviale, qui entoure l'articulation, capte et est envahie
de débris.
ils sont considérés comme des corps étrangers. L'inflammation, éboueur
de l'organisme, a pour but de s'en débarrasser.
Mais l'abondance de débris la rend très prolongée,
et nuisible aux tissus sains.
Traitement: Ponctions-infiltrations
répétées (de
corticoïdes, les hyaluronates sont
moins intéressants
dans la chondrolyse rapide: on les retire à la ponction suivante).
La ponction enlève le maximum de synovie chargée de débris,
l'infiltration lutte contre l'inflammation excessive et prolongée.
Si les ponctions ne suffisent pas: Lavage arthroscopique.
Intervention beaucoup plus bénigne que la prothèse.
Mais résultat moins excellent que dans le traitement d'une lésion
méniscale isolée: Le chirurgien ne "replâtre" pas
le cartilage abîmé (ça viendra un jour). Il ne fait
que régulariser les lésions les plus sévères.
La production de débris diminue mais n'est pas immédiatement
stoppée, et la synoviale est toujours inflammatoire
-> il ne faut pas hésiter à refaire quelques infiltrations
et les hyaluronates deviennent efficaces.
2) Les douleurs osseuses:
Vous êtes plus âgé: > 65 ans. Vos os sont d'autant
plus fragiles que vous êtes une femme, et surtout que vous avez
beaucoup réduit votre activité physique
-> l'os n'est plus habitué aux contraintes.
Il se fissure dès que vous faites quelque chose d'un peu inhabituel.
Le cartilage disparu, il n'y a plus d'amortissement des chocs de la
marche.
Soit vous êtes habitué aux efforts physiques quotidiens,
et peu prédisposé génétiquement à l'ostéoporose
-> les extrémités osseuses sont résistantes et
vous continuez à marcher.
Soit vous êtes sédentaire et légèrement charpenté
-> vos os se foulent avec une déconcertante facilité.
Les douleurs surviennent dès l'appui, disparaissent en position
allongée. Le genou n'est pas enflé, seulement (peu) déformé.
Le tissu osseux mettant plusieurs semaines à consolider, le peu
d'activité que vous conservez suffit à gêner et empêcher
sa réparation, comme une fracture mal immobilisée.
Le repos complet alité est dangereux à cet âge: la
musculature s'atrophie vite, d'autres complications sont possibles (constipation,
phlébite...).
Traitement:
-Utiliser une paire de cannes anglaises pour éviter tout appui
important sur le genou
-Nager tous les jours au moins 1 heure pour rééduquer la
musculature
-Reprendre progressivement l'appui au bout de 6 semaines
-Utiliser des chaussures très amortissantes (bonnes chaussures
de sport)
-Médicaments anti-ostéoporose certainement utiles, mais
ils ne sont pas validés dans cette indication. Sûrement
plus intéressants en tout cas que les inefficaces anti-arthrosiques
de fond encore très souvents prescrits à ce stade.
Enfin...
1 circonstance doit faire refuser la chirurgie: Une personne âgée
déjà impotente, que l'on espère faire remarcher
avec une prothèse.
L'opération ne remplace qu'une articulation abîmée.
Elle ne remet pas des muscles, de l'énergie, de la coordination,
elle ne désensibilise pas des douloureux de partout, et surtout
elle ne redonne pas un but à des gens en bout de course et fatigués
de la vie.
La décision à cet âge reposant beaucoup sur la famille,
ce n'est pas les espoirs de la famille qui doivent décider, mais
bien la personne concernée, en plein coeur de la rééducation
pénible qui l'attend.
Il y a des moyens moins risqués de soulager un vieillard impotent,
en particulier les infiltrations, qui, même répétées,
ont des effets secondaires peu problématiques au crépuscule
de la vie.
Corollaire: Si un vieux commence à décliner essentiellement à cause
d'un genou, et que le traitement médical n'est plus efficace,
n'attendez pas le dernier moment pour qu'il soit opéré.
Pourquoi
la prothèse de genou a-t-elle moins bonne réputation
que celle de la hanche?
Le genou est moins "enrobé" que la hanche.
Une réaction
algodystrophique est presque systématique.
La rééducation est rendue difficile
par cette cicatrisation pénible.
Les tissus qui recouvrent le genou ne sont pas épais.
Pour installer sa prothèse, le chirurgien est obligé de
les agresser sévèrement.
C'est surtout vrai pour la prothèse totale, volumineuse, moins
pour la prothèse unicompartimentale, petite et demandant un accès
plus réduit à l'articulation.
Les tissus sont étirés et comprimés de façon
prolongée. Certains se réparent facilement (peau, tissu
conjonctif, muscle), pour d'autres cela prend des mois (petits filets
nerveux, le chirurgien ne peut être attentif qu'aux principaux
troncs nerveux).
Comparativement, la hanche est une articulation profonde, bien protégée
par des tissus épais. Les voies d'abord sont moins agressives,
plus réduites.
A cause de l'agression des rameaux du système nerveux végétatif,
responsable de la "maintenance" des tissus, une réaction
algodystrophique est très fréquente après l'opération:
genou rouge, chaud, douloureux, difficile à rééduquer
car ayant tendance à s'enraidir alors que le kiné veut
l'assouplir.
La sévérité de cette réaction est très
variable.
Le rééducateur doit être efficace et rapide: la mobilité doit être
reprise dès les jours suivant l'intervention, mais sans agression
excessive, sinon il peut aggraver la réaction algodystrophique.
Il faut une main ferme gainée de douceur.
L'algodystrophie dure de 3 à 12 mois. Sévère, elle
retarde d'autant le moment où l'opéré peut enfin
profiter de sa prothèse. Elle ne nuit pas au résultat final,
sauf si on s'est trop enraidi ou trop démusclé pendant
la période douloureuse. Il ne faut pas hésiter à prendre
des calmants régulièrement, en sachant que l'amélioration
finit toujours par survenir.
Est-ce que la chirurgie assistée par ordinateur réduit
les complications?
Elle augmente la qualité de pose de la prothèse, et donc
sa durée de vie.
Mais elle ne réduit pas l'agression opératoire, donc les
suites immédiates restent difficiles.
Les progrès dans ce domaine ne peuvent venir que d'abords chirugicaux
plus minimes et de durées d'intervention raccourcies, ce qui semble
illusoire pour des prothèses totales. C'est la mise au point de
techniques différentes (resurfaçage articulaire avec des
matériaux suffisamment souples et résistants) qui améliorera
le confort de la chirurgie du genou.
Le choix du chirurgien influence-t-il
le résultat?
Oui, bien sûr. Et plus pour le genou que pour la hanche. L'agression
chirurgicale est dépendante de l'habileté de l'opérateur.
Les kinésithérapeutes savent qu'ils auront la tâche
plus facile avec les patients de certains chirurgiens plutôt que
d'autres...
Cependant la prothèse de genou est une opération courante
pour la grande majorité des orthopédistes. Le matériel
et les méthodes sont bien au point. Même le meilleur des
chirurgiens n'est pas au mieux de sa forme tous les jours -> il y
a toujours une petite part d'incertitude quant au résultat. Ne
vous prenez pas trop la tête dans votre choix.
Les injections de hyaluronate (viscosupplémentation) ne marchent pas toujours. Pourquoi?
Certains hésitent devant le coût du traitement (le meilleur produit, le Synvisc, n'est que partiellement remboursé), la série de 3 vilaines injections dans le genou (en fait ce peut être seulement une avec le Synvisc One, une présentation disponible à partir de 2008), et surtout le fait qu'il existe des échecs de ce traitement. Plusieurs raisons possibles:
-L'injection n'a pas été faite correctement:
Elle est relativement facile si le genou est gonflé (il suffit d'aspirer un peu de liquide pour vérifier que l'on est bien dans l'espace articulaire), mais le genou gonflé n'est pas la meilleure indication du hyaluronate -> le plus souvent l'injection sur genou sec demande du doigté, particulièrement chez un obèse... où l'on perd les repères osseux. Si l'injection ne part pas dans le bon espace, elle ne vous causera pas grand mal: le produit est inerte, lentement résorbé, et ne fera que lisser la peau à cet endroit (il est d'ailleurs utilisé en médecine esthétique pour les rides)... mais ne fera pas grand bien à votre articulation non plus.
-L'injection est faite sur un cartilage en train de se délabrer (chondrolyse rapide):
Votre genou est très gonflé. Les ponctions et les injections classiques de cortisone ne l'empêchent pas de continuer à vous faire souffrir et recommencer à gonfler. Le liquide ponctionné est chargé de débris de cartilages visibles à l'oeil nu (il faut ponctionner avec une grosse aiguille pour les aspirer). Votre cartilage est en train de partir en lambeaux. Ce n'est pas le bon moment pour que le hyaluronate fasse des miracles: votre genou produit déjà assez de liquide. Il vaut mieux faire des ponctions infiltrations répétées (la ponction doit être assez complète et utiliser une aiguille suffisamment grosse pour retirer les gros débris, c'est la seule bonne indication du lavage articulaire). Si ça ne marche pas: arthroscopie-lavage pour un nettoyage plus radical... mais cette articulation en très mauvais état ne redeviendra pas indolore et il faudra faire la viscosupplémentation dans les semaines suivant l'opération, avec un corticoïde si le genou est encore gonflé.
-Il y a une lésion instable du ménisque:
Un ménisque fendu ou se délabrant à l'une de ses extrémités mettra du temps à se régulariser spontanément ou même avec l'aide de la viscosupplémentation. Une première injection peut toujours être tentée, mais si elle n'a aucun effet, mieux vaut garder les suivantes pour après l'arthroscopie, régularisation effectuée rapidement par le chirurgien. Important: pour un bon résultat d'une injection de hyaluronate il faut remettre l'articulation en route: remarcher à grands pas ou faire du vélo (selle haute et terrain plat), activité qui va régulariser les bords du ménisque, stimuler la réparation articulaire par les pressions alternées, sans créer de nouveaux dégâts grâce à l'effet protecteur du hyaluronate.
-Le ménisque est mal positionné
sans qu'il existe de grave lésion de sa structure (il est attaché par des ligaments au bord articulaire et peut être partiellement désinséré). Pratiquant l'ostéopathie, je fais systématiquement des mobilisations de recentrage articulaire et méniscal après une viscosupplémentation. Si votre médecin ne fait que l'injection, secouez votre genou (en prenant appui sur l'autre jambe) de temps en temps pour bien séparer les surfaces osseuses et faciliter ce recentrage. Ou offrez-vous une séance complémentaire d'ostéopathie.
-Les douleurs sont osseuses et non articulaires:
Problème courant après la soixantaine, et croissant avec l'âge: l'os devient plus fragile (ostéoporose). Qu'il ne soit plus amorti par un cartilage ne pose pas trop de problèmes chez un jeune dont l'os réagit en se densifiant. Mais chez la personne âgée, il se fendille -> les douleurs ne sont plus sur la fente articulaire mais sur l'extrémité du tibia en dessous. Ce sont des douleurs de foulure, survenant essentiellement à l'appui ou lors des inclinaisons de la jambe qui mettent la pression à cet endroit. La viscosupplémentation n'est pas efficace sur ce type de douleurs. C'est l'indication probable d'un traitement contre l'ostéoporose, probable car ce n'est pas encore affirmé scientifiquement (2009) et les médicaments concernés n'ont pas l'indication officielle (permettant le remboursement).
Je conseille dans cette situation le Protelos®, produit le plus actif sur la formation osseuse et sans inconvénient, sauf les rares allergies en début de traitement qui doivent le faire arrêter impérativement. N'en attendez pas un résultat aussi rapide qu'aurait du l'être celui de la viscosupplémentation, mais vous pouvez ressentir une amélioration significative au bout de 4 à 6 mois de traitement. L'alternative est bien sûr la prothèse, qui remplacera aussi les zones osseuses abîmées. Mais les gens âgés hésitent, à raison (il y a toujours quelque chose à remplacer), à se faire opérer.
Autres solutions, d'effet inconstant mais sans danger à essayer:
-les semelles orthopédiques, censées reporter l'appui sur une zone osseuse moins fissurée,
-les orthèses avec barres latérales, que l'on peut tordre de façon à incliner la jambe latéralement et soulager l'appui sur la zone douloureuse: Elles sont contraignantes (ou pas efficaces) -> à essayer avant d'acheter.
-la canne ! Vieille méthode peu esthétique quand on refuse d'afficher son âge, mais tellement efficace. Attention à l'épaule, qui n'est pas conçue pour porter en permanence.
-enfin la façon de marcher, expliquée ici.
-Vous ne laissez pas assez souffler votre genou :
Le résultat peut être médiocre chez des personnes qui piétinent toute la journée pour des raisons professionnelles. La viscosupplémentation facilite la réparation du cartilage, encore faut-il le mettre dans des conditions favorables : Ce qui stimule l'activité des cellules cartilagineuses est la répétition de pressions brèves. Le "massage"
du cartilage par le mouvement — qui déplace la pression à la surface souple du cartilage — favorise la circulation des nutriments (il n'y a pas de vaisseaux sanguins dans un cartilage, imaginez-le comme une éponge que l'on presse et relâche pour la nettoyer). Ces conditions sont réunies dans des activités de mouvement rapide du genou sans pression forte et prolongée au même endroit : marche rapide, vélo. Un gonarthrosique doit marcher vite et s'asseoir ou suspendre une fesse quelque part dès qu'il est arrivé. En position assise, il doit allonger les jambes. S'il est obligé de faire du sur-place, mieux vaut passer d'une jambe sur l'autre que rester statique.
-Enfin la viscosupplémentation n'ayant pas d'effet anti-inflammatoire direct, un genou nettement chaud et sensible mérite d'associer lors de l'injection un peu d'anesthésique et un corticoïde. Le résultat est alors instantané et permet d'abandonner très rapidement sa boîterie, qui peut avoir un effet d'entretien sur les lésions quand elle est trop prolongée.
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