Description
générale
Le syndrome du canal carpien (SCC)
est très fréquent. Sa cause est anatomique. Le canal carpien
est une gouttière osseuse formée par les petits os de la
main près du poignet. Cette gouttière étroite n'est
pas extensible. Elle est fermée par un ligament solide, le ligament
annulaire du carpe. Elle contient de nombreux tendons, des vaisseaux sanguins,
et un gros nerf, le nerf médian, qui assure la sensibilité
et la force des 3 premiers doigts.
Pour différentes raisons, l'espace peut devenir cher dans ce canal:
les tendons sont durs et ne se laissent pas comprimer facilement; les
vaisseaux battent et font leur chemin; le nerf, volumineux et mou, est
sans défense... à part qu'il vous avertit rapidement de
son inconfort: des fourmillements douloureux parfois très pénibles
apparaissent dans le territoire cutané du nerf (les 3 premiers
doigts).
Les douleurs sont habituellement plus fortes la nuit, sans doute parce
que lorsque l'on s'allonge, l'eau des tissus stockée par la pesanteur
dans le bas du corps retourne dans les membres supérieurs, rendant
les tissus plus volumineux et décompensant les conflits canalaires.
C'est aussi l'explication de la fréquence du SCC pendant la grossesse,
période d'oedème tissulaire. En l'absence de traitement, les douleurs peuvent
durer de quelques semaines à plusieurs années. La guérison
peut être spontanée. Sinon, selon l'importance et la durée
de la compression, le nerf finit par se détériorer: Les
fibres nerveuses de la sensibilité, les plus fragiles, sont les
premières à s'altérer: on perd le tact des premiers
doigts et on a tendance à lacher des objets que l'on ne sent plus
bien dans sa main. Eventuellement, si la compression est importante, la
force s'altère également: la pince pouce-index n'est plus
efficace. Le dégagement du nerf à ce stade permet rarement
une récupération complète.
En résumé, les douleurs du SCC sont importantes au début
et finissent par disparaître, mais souvent au prix d'une perte de
sensilibité des doigts.
Les personnes qui font un SCC ont une prédisposition anatomique:
le canal carpien est naturellement étroit. C'est plus fréquent
chez la femme. C'est favorisé par des séquelles de traumatisme
du poignet (déformation osseuse après fracture), par des
muscles surnuméraires chez certains, par un changement d'activité
professionnelle qui muscle davantage le poignet, par des déformations
du poignet avec l'âge. Sur ce terrain favorisant, il y a parfois
une cause déclenchante: activité manuelle inhabituelle surtout,
parfois grossesse, ou mauvaise posture du poignet (resté fléchi
trop longtemps).
Ces cas sont les plus favorables pour le traitement non chirurgical: l'amélioration
est souvent spontanée. Si elle est longue à obtenir, une
infiltration va nettoyer le canal de l'oedème et de l'inflammation.
Si la cause déclenchante ne se reproduit pas, l'amélioration
peut être définitive.
Le pronostic individualise ainsi 2 catégories de personnes: celles
dont le SCC est ancien, permanent ou répétitif, et celles
dont le SCC est récent, aigu, déclenché par des travaux
manuels. Les premières ont un canal carpien très serré
qu'il faudra sûrement opérer: autant le faire d'emblée
plutôt que s'attarder sur un traitement médical inefficace.
Les secondes ont de bonnes chances d'avoir une amélioration durable
avec une infiltration: il faut commencer par elle.
Le SCC ne provoque habituellement pas de douleurs au poignet,
bien que ce soit le site de la compression. Le poignet est sensible seulement
quand le nerf est irrité par l'inflammation d'un de ses voisins:
tendons fléchisseurs des doigts, kyste. C'est la situation où
l'infiltration est la plus efficace.
L'électromyogramme
(EMG) est l'examen de choix pour le diagnostic du syndrome du canal carpien.
Il est inutile dans les cas typiques mais souvent les chirurgiens le réclament
pour des motifs médico-légaux: il existe d'autres causes
de douleurs de la main et, en cas de résultat décevant,
l'opérateur veut pouvoir démontrer qu'il existait un motif
légitime pour intervenir. En fait les choses ne sont pas si simples:
il existe des altérations de l'EMG chez des personnes qui n'en
ressentent aucun symptôme, et vice-versa les douleurs ne sont pas
toujours attribuables à ces altérations. Le médecin
s'efforce de trouver des arguments supplémentaires en vous examinant.
L'EMG est assez désagréable: le spécialiste place
de fines électrodes sur le trajet du nerf, envoie de faibles décharges
électriques et mesure la conduction nerveuse. En plus de la confirmation
du diagnostic, il apporte des arguments sur la sévérité
de la compression.
Le
traitement médical initial repose essentiellement sur l'infiltration
d'un corticoïde dans le canal carpien. Les comprimés d'anti-inflammatoires
peuvent atténuer les symptômes, mais ils ont un effet d'appoint
et non de guérison. L'infiltration est souvent pénible.
Le seul endroit pour accéder au canal est le devant du poignet;
c'est une zone sensible. Le canal étant serré, l'injection
de 1 à 2 ml de liquide réveille vos douleurs habituelles.
C'est la meilleure preuve d'un conflit à cet endroit. Le nerf médian
peut être piqué accidentellement. Sur le moment, vous aurez
envie de boxer votre tortionnaire! Mais ce n'est pas grave si l'on prend
soin de reculer l'aiguille avant d'injecter. Les suites de l'infiltration
peuvent être également difficiles: le produit peut déclencher,
ce qui est un comble!, une réaction inflammatoire, particulièrement
s'il se disperse mal dans le canal. Les douleurs peuvent durer quelques
jours. Le résultat complet est obtenu au bout d'une semaine. Ces
incidents nuisent à la popularité de l'infiltration, mais
elle reste un geste simple par rapport à la chirurgie, très
efficace si les candidats sont bien sélectionnés. Elle est
le meilleur choix dans les cas atypiques, car une chirurgie inutile laisse
des traces...
Comment
éviter l'opération?Le traitement chirurgical
est celui qui met le plus définitivement à l'abri d'une
récidive. Mais il a comme toute chirurgie quelques inconvénients
possibles: risque opératoire lui-même, cicatrisation défavorable,
perte de force en opposition des doigts, déception parce que ce
n'est pas au canal carpien que le nerf est coincé. Pour les adhérents: Ces 2
méthodes peuvent améliorer les SCC sans opération.
Le
traitement chirurgical consiste à sectionner le ligament
qui ferme le canal carpien à l'avant du poignet. L'incision est
plus longue que vous pourriez l'imaginer de prime abord: insuffisante,
les bords du canal ne s'écarteraient pas. Ce peut être une
cause d'échec chirurgical. 2 techniques existent: la technique
classique utilise une incision longue de la peau et du ligament, du pli
le plus haut du poignet jusqu'à la ligne de vie à la paume.
La technique arthroscopique utilise une très petite incision de
la peau au poignet, par laquelle l'opérateur glisse un arthroscope
et une gouttière de guidage. Il se place sous le ligament et l'incise
par sa face profonde, sans toucher à la peau. Les résultats
des 2 méthodes sont identiques à moyen terme. Les suites
immédiates de l'arthroscopie sont logiquement plus simples que
celles de la chirurgie classique. Mais il faut avoir affaire à
un opérateur entraîné. La plupart des chirurgiens
utilisent actuellement la technique classique. C'est une opération
ambulatoire: pas d'anesthésie générale, sortie de
l'hôpital le jour même.
Les ennuis de la chirurgie sont comme toujours les infections, et les
cicatrices douloureuses: la cicatrice peut rester épaisse, indurée
et sensible pendant plusieurs mois. Les cas extrêmes sont les chéloïdes,
vilaines cicatrices bourgeonnantes et douloureuses. L'opération
a néanmoins atteint son but si les fourmillements des doigts ont
disparu. Le reste s'arrange lentement au fil des mois et vous n'avez malheureusement
pas d'autre ressource que la patience.
Retenez que le syndrome du canal carpien est bien la cause la plus fréquente
de ces fourmillements douloureux, mais pas la seule. Les nerfs des doigts
sont les terminaisons de racines nerveuses qui partent de la colonne cervicale.
Les sites de conflit sont nombreux sur la vertèbre, la clavicule,
le bras. Votre douleur à la terminaison du nerf n'indique pas où
il est coincé. L'endroit est assez facile à dépister
pour le médecin s'il est superficiel, difficile s'il est profond.