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Quelle attitude préventive pour l'ostéoporose en 2008?

Les bases:

Définition en 2 parties:
1) Diminution de la masse osseuse, assimilée densité minérale osseuse (DMO) si pas de trouble de la minéralisation.
2) Altération de la micro-architecture osseuse (quelle quantification?)

La DMO prédit mieux le risque fracturaire que la tension artérielle le risque d'accident vasculaire cérébral ou le taux de cholestérol le risque d'infarctus du myocarde.
T-score densitométrique: variation par rapport à l’âge du pic de masse osseuse
Z-score: variation par rapport à la population de même âge
L'ostéoporose (OP) est définie par un T-score < 2,5 déviations standart

Avant l'ostéoporose:
Connaissons les facteurs de risque:

Certains ne sont pas modifiables:
Nous serons attentifs à ces patients prédisposés à une ostéoporose-maladie:
-Age: densitométrie systématique après 65 ans?
-Hérédité: 80% d’héritabilité du pic de masse. Caucasiens, asiatiques...
-Morphotype longiligne: index de masse corporelle < 19kg/m2
-Vie hormonale: Puberté tardive. Pas de grossesse. Ménopause avant l’âge de 40 ans (surtout ovariectomie)
-Calcifications aortiques: association à l’OP indépendante de l’âge

Facteurs de risque modifiables:
-Carence estrogénique, qui accélère le remodelage osseux (dans les 2 sexes)
-Activité physique réduite: l’exercice augmente le capital osseux pendant la croissance, le préserve ensuite.
-Apports bas de calcium, vitamine D, vitamine B12
-Consommation régulière d’anti-acides avec aluminium (ne se voit plus depuis l'essor des inhibiteurs de la pompe à protons)
-Tabagisme: risque indépendant de la DMO. Pour la fracture du col, risque relatif RR=1,55
-Alcoolisme.
-Artérite des membres inférieurs (risque indépendant du tabagisme, mais peut-être lié à la réduction d'activité physique)
-Corticothérapie >7,5mg/j, ++ 6 premiers mois de traitement
-Héparinothérapie prolongée, anticonvulsivants, lithium, cytotoxiques, analogues GnRH
-Maladie déminéralisante Cf OP secondaires

Important: le risque de fracture:

Les causes de fractures, indépendamment des valeurs de DMO, sont essentielles. On peut, après tout, avoir une très bonne qualité de vie avec une ostéoporose si l'on ne casse pas. Ces causes sont les chutes, les immobilisations, les attitudes vicieuses:
-Déficits neuromusculaires
-Troubles d’équilibre et de marche (Parkinson)
-Diminution d’acuité visuelle
-Psychotropes
-Altérations des fonctions cognitives et démences
-Immobilisation prolongée
-Attitude cyphotique, nous détaillerons plus loin.

Les circonstances du diagnostic

-Fracture
-Perte de taille
-Déformation vertébrale ++cyphose, cyphoscoliose, hyperlordose, conflit ilio-costal
-Douleurs vertébrales chroniques: l’insuffisance osseuse sans fracture est asymptomatique. Tassement vertébral asymptomatique dans > 50% des cas mais rachialgies mécaniques fréquentes liées à la déformation
-Densitométrie systématique ou pour facteurs de risque identifiés (Annexe 1: résumé des indications de la densitométrie)
-Radiographies pour autre motif

Densitométrie:
-ostéoporose si T-score < -2,5 percentile
(ostéoporose avérée si présence de fracture ostéoporotique)
-ost éopénie si -1 < T-score < -2,5
-normale si T-score ≥ -1
Le risque de fracture est majoré également pour une ostéopénie. La conduite n'est pas aussi bien codifiée: traitement s'il existe une fracture ou selon les facteurs de risque existants, en particulier les habitudes physiques.

Que faire si la densitométrie est normale et que des facteurs de risque sont présents?
Proposer un contrôle tous les 3 à 5 ans.

S'agit-il bien d'une ostéoporose commune?

Passez en revue les causes d'ostéoporoses secondaires:
-Myélome multiple à forme décalcifiante diffuse (risque élevé: fractures pathologiques, OP et corticothérapie)
-Métastases (fractures pathologiques)
-Maladies endocriniennes: Cushing et corticothérapie au long cours, hyperthyroïdie (ou surdosage thérapeutique d'une hypothyroïdie, durée plus que gravité), hypogonadisme, hyperparathyroïdie (T-score<-2,5 = critère chirurgical)
-Maladies métaboliques: hémochromatose, ostéomalacie, malabsorption intestinale, hépatopathies
-Rhumatismes inflammatoires chroniques (PR, SPA) et maladies intestinales inflammatoires
-Mastocytose systémique
-Hypercalciurie idiopathique (surtout masculine)

Et pratiquez un bilan de débrouillage au moindre doute (déminéralisation importante sans cause favorisante avérée):
1er bilan:
-VS
-électrophorèse des protéines sériques
-calcémie, phosphorémie, calciurie des 24H
-créatininémie avec clairance
-TSH

Selon contexte ou 1ers résultats:
-1-25 diOH D3
-PTH
-phosphaturie
-cortisolurie des 24H
-testostéronémie
-enzymes h épatiques
-ferritinémie

Outil FRAX: Calcul du risque ostéoporotique en ligne

Défaut: Pas de quantification de l'activité physique
Pas d'item "chutes" parce que dans les études de cohortes elles n'ont pas été étudiées de façon suffisamment standardisées
-> ce questionnaire ne prend en compte que des facteurs de risque bien connus et étudiés.
La méthodologie pour préciser le risque individuel devient trop lourde dès que l’on examine de près l’hygiène de vie et les caractéristiques physiques.
-> l’évaluation subjective de bon sens du médecin a une place importante.

Les facteurs physiques:

Le poids permanent est nuisible sur des articulations et des os détériorés, aussi bien qu'une décharge permanente, qui ne stimule plus leur réparation.
C'est une notion acquise pour une articulation portante comme le genou.
Moins évidente pour le rachis
car tout dépend comment et combien de temps le poids s'exerce sur les mêmes zones.
L'équation vicieuse est: Sédentarité = Enraidissement = Poids statique

Dans une cyphose enraidie, le poids est constamment en avant sur les corps vertébraux.
Même si les ostéoporotiques sont plutôt légères, le nombre de kilos x heures en statique sur les corps situés en bas et au milieu de la concavité de la cyphose est élevé.

C'est la cascade fracturaire: le 1er tassement majore la cyphose, accentue les pressions sur les corps vertébraux dans la même courbure -> récidives rapides dans la même année.
Les tassements se produisent essentiellement de T9 à L1, au sommet de la cyphose.

Recommandé en dépistage et en surveillance de l'OP: La mesure de la taille.
Plus important?? Evaluer la souplesse en extension, par une simple flexion-extension complète du rachis entier.

Si l'extension est limitée: massages, physiothérapie, désensibilisation du rachis, préparant des postures à plat dos sur un tapis ou une moquette, plus rééducation active avec exercices d'auto-agrandissements.

Difficultés pratiques de l'exercice physique chez les patients âgés:
Enraidissement et perte d'autonomie viennent d'une sensibilisation à la douleur, affaire d'histoire personnelle et de maladies antérieures. Sont ressenties comme douleurs lésionnelles, des douleurs dégénératives chroniques qui sont en faible part des phénomènes inflammatoires (test AINS), beaucoup des dérèglements du seuil de la douleur par absence d'informations sensorielles normales (inactivité).
C'est une situation voisine de la fibromyalgie chez les plus jeunes, où l'on n'a pas affaire à des patients simulateurs mais à un dérèglement des voies de la douleur.
Les antalgiques ne doivent pas être un traitement de fond, épuisement de l'effet bénéfique garanti, restent les effets secondaires...
Ils sont surtout utiles dans un programme de reconditionnement à l'effort: utilisation à la demande, recommandée 1H avant effort, pour diminuer les douleurs, "normales", de ce reconditionnement.

Peut-être un des avantages des anti-ostéoporotiques en prise quotidienne:
Si on intègre l'idée que ce traitement est impérativement à associer aux exercices
-> bon pense-bête, meilleur que les prises mensuelles ou annuelles.
Car s'il y a un inconvénient à traiter l'OP c'est celui-ci:
Les patientes se reposant sur leur pilule se croient dispensées d'autres efforts.
Le message sur l'activité physique doit être aussi clair que le régime rabâché dans les troubles métaboliques. Il fait partie du renouvellement d'ordonnance...

Les indices sur l'importance de l'activité physique sont nombreux:
L'épidémie de fractures du col prédite par les épidémiologistes dans les années 80 n'est pas survenue, malgré une prise en charge de l'ostéoporose très en-deça des recommandations. Motifs possibles? La génération de femmes concernées a utilisé largement les THS, mais est aussi beaucoup plus attentive à l'activité physique de loisir.
Les américaines d'origine asiatique ont 2 fois moins de fractures du col que leurs concitoyennes caucasiennes. Motifs évoqués: apports alimentaires différents (phyto-oestrogènes, finalement crédités d'un faible intérêt pour l'os), surtout: mode de vie différent, avec une activité physique beaucoup plus intense.

Les médicaments:

Le traitement hormonal substitutif (THS):
Sévèrement attaqué après l'étude WHI et la démonstration de liens étroits entre l’industrie et les médecins promoteurs du THS en France (rapport DREES).
Mais les arguments des promoteurs ne sont pas faux pour autant: Pas d’étude comparable au WHI en France, où l'on utilise des produits proches d'une vraie substitution. Les THS ne sont pas un traitement tueur (mortalité non modifiée dans le WHI) ou démontré initiateur de cancer du sein.
Le sujet est devenu très passionnel, chiffres et arguments manipulés autant par les promoteurs que leurs adversaires.
La vraie question centrale est: Doit-on traiter le vieillissement?

Les biphosphonates (Actonel®, Fosamax®, Bonviva®):
Actifs sur l’os cortical et trabéculaire
Rémanence +++, espacement jusqu'à une prise annuelle
Mauvaise biodisponibilité -> prise à jeûn
Contre-indications: insuffisance rénale sévère, ostéomalacie, hypocalcémie
Effets indésirables à court terme: oesophagite, douleurs osseuses et musculaires (difficiles à identifier chez les patients âgés), synovite du poignet (alendronate).
Effets indésirables à long terme: nécrose de la mâchoire (surtout en cas de mauvais état bucco-dentaire -> soins à faire avant traitement), atonie osseuse: fractures non vertébrales, désunion de cal .
Le petit dernier: zoledronate (Aclasta®), 1 perfusion annuelle de 15 à 30 mn.

Raloxifène (Optruma®, Evista®):
Réduit le risque de cancer du sein hormono-dépendant
Efficace sur fractures vertébrales mais pas au col
Contre-indications: antécédent thrombo-embolique (risque de phlébite x2 idem THS)
Neutre sur le risque coronarien
Peut majorer les bouffées de chaleur

Tériparatide (Forstéo®)
Fragment actif 1-34 de la parathormone
Ostéoformateur, bon effet sur les douleurs de tassement
20 mg sous-cutané par jour, 18 mois.
Effets secondaires: hypercalcémie, nausées, céphalées, arthralgies, crampes, diarrhée
Réservé aux formes sévères. Coûteux. Bonne cible: vieillard institutionnalisé, tassements multiples très algiques.

Ranelate de strontium (Protelos®)
A la fois ostéoformateur et anti-résorptif
N’altère pas la minéralisation osseuse.
Réduction des fractures au-delà de 80 ans
Effet rapide sur les fractures vertébrales (RR 0,5 dès la 1ère année), plus lent sur la fracture du col (RR 0,6 au bout de 3 ans).
Précaution en cas d'antécédent de phlébite
Effets indésirables: nausées, diarrhée, s'atténuent au cours du traitement.
Syndrome DRESS, le hoquet du Protelos:
Drug Rash with Eosinophilia and Systemic Symptoms: réaction d'hypersensibilité sévère: éruption fièvre adénopathies hyperéosinophilie, atteintes d’organes: foie, rein, poumons.
Survient entre 3è et 6ème semaine après début du traitement. Mécanisme inconnu.
16 cas rapportés, 2 décès (traitement interrompu tardivement).
Ce syndrome est connu pour d’autres médicaments: sulfamides, cyclines, anti-épileptiques. Il faut prévenir les patients d’arrêter impérativement le traitement en cas d’éruption quelconque.
Le DRESS, exceptionnel, n'a pas fait retirer le Protelos du marché par l'AFSSAPS, le bénéfice/risque est bon pour un traitement qui apporte un gain de DMO constant à tout âge et sur tous types d'OP: +30% de DMO à 8 ans au rachis, +12% sur le col fémoral, avec 88% des patientes poursuivant le traitement dans les études pilotes SOTI et TROPOS.

Stratégie thérapeutique sur 30 ans

Quelle observance?

Meilleure situation: démarche volontaire de la patiente, informée par les médias.
Observance: Comment la juger?
Laisser la patiente réclamer seule les médicaments qu'elle prend...
Médiocre observance -> intérêt de la prise quotidienne plutôt qu'hebdomadaire? ou au contraire perfusion annuelle en cas de mauvaise autonomie.

Contrôle de l'efficacité:

La variation de DMO est faiblement corrélée à la diminution du risque fracturaire: elle rend compte de:
-16% de la diminution avec l’alendronate
-20% avec le ris édronate
-4% avec le raloxif ène
-35% avec le teriparatide
-> La densitométrie est avant tout un examen de dépistage, moins de surveillance thérapeutique. Pas d’intérêt à la renouveler moins de 2 ans après le début du traitement (validité de la variation réduite par l'incertitude technique sur la mesure). C’est plutôt un examen de fin de traitement, pour réévaluer le risque.

Les vrais critères d’évaluation: absence d’autres fractures, pas de diminution de taille, sont trop tardifs.
Les paramètres biologiques ne sont pas fiables: variations du dosage, seuil de significativité inconnu, corrélation incertaine avec la réduction des fractures.
En pratique la densitométrie est souvent demandée faute de mieux… pour rassurer le patient.

Méthode alternative pour vérifier l'efficacité d'un traitement anti-fracturaire:

Quelle durée pour le traitement?

Pas d’effet rémanent du THS? Cette notion classique est controversée, entre autres par le WHI: les femmes ayant arrêté le THS ont gardé un bénéfice par rapport à celles ne l'ayant jamais reçu.
Effet bénéfique persistant vérifié pour le raloxifène à 4 ans, l’alendronate à 10 ans, le risédronate à 7 ans, le strontium à 8 ans.
La durée est affaire de philosophie individuelle, beaucoup stoppant les biphosphonates au bout de 4 à 5 ans pour éviter l'atonie osseuse.

Alterner les traitements? Combiner dans les ostéoporoses sévères? Pas de réponse validée pour le moment.

En conclusion:

Heureusement les calédoniennes à profil ostéoporotique (caucasiennes, faible IMC) sont les mieux informées sur ces risques et ont pour la plupart une activité physique très régulière. Rareté des carences alimentaires, bon ensoleillement rendant les carences vitaminiques exceptionnelles: Le territoire n'est pas une pépinière potentielle de fractures ostéoporotiques.
Attachons-nous d'autant plus à identifier les bonnes candidates. A conseiller l'activité physique aux rares qui le négligent, nous aurons moins l'impression d'être un magnétophone, qu'avec les problèmes de surpoids...

Continuez avec les particularités de l'ostéoporose masculine


Annexe 1: Résumé des indications de la densitométrie

Pathologies:
-fracture vertébrale non traumatique non pathologique
-ant écédent personnel de fracture périphérique
-antécédent de maladie ostéopéniante

Facteurs de risque:
-fracture vert ébrale ou du col chez parent au 1er degré
-IMC < 19
-ménopause avant 40 ans
-corticothérapie > 7,5mg/j > 3 mois, orchidectomie, agonistes GnRH
Pas indiquée chez femme ménopausée avec indication au THS


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